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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
intérêt, sinon un grand agrément, — celui-ci est ailleurs, — ce sont les résultats des
fouilles faites dans les cimetières gaulois de la Marne.
L’importance et l’intérêt de ces découvertes tiennent à deux causes : à leur abondance
et à leur nature. Celles-ci révèlent un autre art et une autre civilisation que les tombes
dites gauloises que Ton trouve ailleurs, en France. Elles servent à quelques savants
à faire une distinction entre les Celtes et les Gaulois qui appartiendraient à deux races
et qui seraient apparus à deux époques différentes sur notre sol. Les analogues de
l’art découverts dans les cimetières de la Marne se retrouvant dans certaines tombes de
la vallée du Danube, permettraient de suivre la marche de l’immigration des peu-
plades asiatiques qui ont occupé la Champagne quelques siècles avant notre ère. De
telle sorte qu’aux autochthones des cavernes se serait superposée une invasion celtique
qui, devenue aborigène, aurait été envahie par une seconde invasion gauloise, plus
civilisée, et ayant été en contact avec la Grèce. — Ce sont ceux-là qui sans doute
seraient allés à Corinthe. — Puis sont venus bien plus tard les Francs, sans parler des
Romains qui ne furent que conquérants et civilisateurs. Comme M. A. Bertrand, le
savant conservateur du Musée de Saint-Germain, à qui ces questions sont d’autant plus
familières que c’est lui qui les a soulevées, nous a promis pour la Gazette des Beaux-
Arts un travail d’ensemble sur l’art des époques préhistoriques, nous nous contente-
rons d’indiquer ce que nous avons pu voir, comme tout profane, dans la chapelle de
l’archevêché où tout ce qui se rapporte à ces questions avait été réuni et fort intelli-
gemment exposé.
Nous ne dirons rien des armes et des outils des différentes époques de la pierre
taillée ou polie ni des instruments d’os des cavernes du Périgord que M. A. Nicaise,
de Châlons-sur-Marne, avait exposés en nature ou en fac-similé et qui expliqués par
lui présentaient un grand intérêt. C’est à M. Morel, de la même ville, qu’étaient dues
la plupart des pièces qui nous ont le plus vivement intéressé.
M. Morel avait eu soin de reconstituer deux tombes dans des auges, dont les parois
étaient couvertes de terre, de façon à donner une vue d’ensemble de ce que l’explo-
rateur n’a découvert que successivement. Dans la tombe de l’homme de l’âge de pierre
le squelette était entouré de ses armes, de ses outils, de ses parures et accompagné
de vases de terre grossière, souvenirs de quelque rite funéraire. Dans la tombe du
Gaulois, les ornements, les armes, le bouclier, bronze et fer réunis, et les vases
étaient aussi mis autour du squelette à la place où ils avaient été trouvés.
Une vitrine, enfin, réunissait toute la dépouille d’un guerrier qu’on avait trouvé
couché sur son char attelé de deux chevaux. Mais le guerrier se réduisait à quelques
ossements, le char à ses ferrures et les chevaux aux ornements de leur harnais, de
telle sorte qu’il était impossible de ne point songer à cette parodie célèbre du VIe livre
de Y Enéide, par l’un des Perrault, où il est question de l’ombre d’un cocher, —
de l’ombre d’une brosse — et de l’ombre d’un carrosse.
M. Morel publie le résultat de ses fouilles. Pendant les préparatifs mêmes de
l’exposition, M. Fourdigner, de Suippes, découvrait à Somme-Tourbe une nouvelle
tombe renfermant aussi un guerrier gaulois, coiffé d’un casque conique de forme orien-
tale, et couché sur un char qui avait été attelé de deux chevaux. Ce qui nous a sur-
tout frappé dans toutes ces trouvailles, c’est la qualité des bronzes qui appartiennent
tous à un art très-raffiné. Les garnitures des moyeux du char, les ornements des
chevaux, en bronze incrusté de corail, et les vases sont certainement grecs. Elle
est grecque aussi une coupe à couverte noire représentant un discobole réservé en
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
intérêt, sinon un grand agrément, — celui-ci est ailleurs, — ce sont les résultats des
fouilles faites dans les cimetières gaulois de la Marne.
L’importance et l’intérêt de ces découvertes tiennent à deux causes : à leur abondance
et à leur nature. Celles-ci révèlent un autre art et une autre civilisation que les tombes
dites gauloises que Ton trouve ailleurs, en France. Elles servent à quelques savants
à faire une distinction entre les Celtes et les Gaulois qui appartiendraient à deux races
et qui seraient apparus à deux époques différentes sur notre sol. Les analogues de
l’art découverts dans les cimetières de la Marne se retrouvant dans certaines tombes de
la vallée du Danube, permettraient de suivre la marche de l’immigration des peu-
plades asiatiques qui ont occupé la Champagne quelques siècles avant notre ère. De
telle sorte qu’aux autochthones des cavernes se serait superposée une invasion celtique
qui, devenue aborigène, aurait été envahie par une seconde invasion gauloise, plus
civilisée, et ayant été en contact avec la Grèce. — Ce sont ceux-là qui sans doute
seraient allés à Corinthe. — Puis sont venus bien plus tard les Francs, sans parler des
Romains qui ne furent que conquérants et civilisateurs. Comme M. A. Bertrand, le
savant conservateur du Musée de Saint-Germain, à qui ces questions sont d’autant plus
familières que c’est lui qui les a soulevées, nous a promis pour la Gazette des Beaux-
Arts un travail d’ensemble sur l’art des époques préhistoriques, nous nous contente-
rons d’indiquer ce que nous avons pu voir, comme tout profane, dans la chapelle de
l’archevêché où tout ce qui se rapporte à ces questions avait été réuni et fort intelli-
gemment exposé.
Nous ne dirons rien des armes et des outils des différentes époques de la pierre
taillée ou polie ni des instruments d’os des cavernes du Périgord que M. A. Nicaise,
de Châlons-sur-Marne, avait exposés en nature ou en fac-similé et qui expliqués par
lui présentaient un grand intérêt. C’est à M. Morel, de la même ville, qu’étaient dues
la plupart des pièces qui nous ont le plus vivement intéressé.
M. Morel avait eu soin de reconstituer deux tombes dans des auges, dont les parois
étaient couvertes de terre, de façon à donner une vue d’ensemble de ce que l’explo-
rateur n’a découvert que successivement. Dans la tombe de l’homme de l’âge de pierre
le squelette était entouré de ses armes, de ses outils, de ses parures et accompagné
de vases de terre grossière, souvenirs de quelque rite funéraire. Dans la tombe du
Gaulois, les ornements, les armes, le bouclier, bronze et fer réunis, et les vases
étaient aussi mis autour du squelette à la place où ils avaient été trouvés.
Une vitrine, enfin, réunissait toute la dépouille d’un guerrier qu’on avait trouvé
couché sur son char attelé de deux chevaux. Mais le guerrier se réduisait à quelques
ossements, le char à ses ferrures et les chevaux aux ornements de leur harnais, de
telle sorte qu’il était impossible de ne point songer à cette parodie célèbre du VIe livre
de Y Enéide, par l’un des Perrault, où il est question de l’ombre d’un cocher, —
de l’ombre d’une brosse — et de l’ombre d’un carrosse.
M. Morel publie le résultat de ses fouilles. Pendant les préparatifs mêmes de
l’exposition, M. Fourdigner, de Suippes, découvrait à Somme-Tourbe une nouvelle
tombe renfermant aussi un guerrier gaulois, coiffé d’un casque conique de forme orien-
tale, et couché sur un char qui avait été attelé de deux chevaux. Ce qui nous a sur-
tout frappé dans toutes ces trouvailles, c’est la qualité des bronzes qui appartiennent
tous à un art très-raffiné. Les garnitures des moyeux du char, les ornements des
chevaux, en bronze incrusté de corail, et les vases sont certainement grecs. Elle
est grecque aussi une coupe à couverte noire représentant un discobole réservé en