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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Nr. 1
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Gonse, Louis: Eugène Fromentin, 5: peintre et écrivain
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https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0074

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68

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

la nouvelle avait devant les yeux l’inconnu. Aussi ce ne fut pas sans un certain em-
barras qu’elle se trouva devant un pareil inconnu.

Un révolutionnaire illustre entre tous, M. Eug. Delacroix, m’a raconté qu’en 1824,
au moment d’entreprendre son second tableau, il se trouva dans un embarras singu-
lier. La Barque de Dante avait donné, de ce jeune et grand talent, une idée très favo-
rable, mais qui n’était pas, d’après l’auteur, conforme à son vrai programme. Il l’avait
conçue sous l’inspiration de son maître et ami Géricault; il ne m’a pas dit, mais il est
presque accrédité que l’auteur du Naufrage de la Méduse y avait mis la main. Or il
s’agissait de se dégager de toute influence et de s’affirmer dans une œuvre plus gran-
diose, plus personnelle, conçue et exécutée dans un sens plus radical. Cette grande
page, une des plus célèbres et des plus justement admirées, était à l’état d'ébauche,
et l’auteur se demandait ce qu’il allait en faire. L’ébauche avancée était du Girodet.
Le problème était de la colorer. Comment? par quels procédés? dans quelle gamme,
claire ou sombre? Cette imagination brillante, amoureuse des lueurs, flairant déjà le
Rubens, répugnait à l’emploi des noirs, aux effets tirés de la puissance des ombres,
à ce général emploi des tons bistrés qui, maniés légèrement par l’école de l’Empire,
faisaient des sépias, qui, prodigués par Géricault.

Ici le manuscrit s’arrête. J1 reprend plus loin par les lignes sui-
vantes, pour finir brusquement :

.Géricault revenait d’Angleterre. Il avait vu une peinture singu-
lière, claire, vivante, colorée par le coloris même, franche d’accents, qui lui sembla
dériver sans trop d’alliage de Rubens et de Van Dyck, et qui lui parut pouvoir conve-
nir aux besoins des idées de son école. Il en fit la confidence à M. Delacroix, qui atten-
dit. Quelque temps après, celui-ci en jugea par lui-même à une exposition, faite à
Paris, de peintres anglais, et son parti fut pris. Quelques œuvres légères de Gainsbo-

rough et Constable avaient suffit pour l’éclairer.Grâce à cette illumination très

positive, le Massacre de Scio, qui avait failli ressembler à XEndymion de Girodet,
devint l’œuvre éclatante que vous savez, le manifeste de la nouvelle école et l’œuvre
la plus pure du maître.

La suite de cette étude inachevée, à en juger par l’intérêt de ce que
j’ai pu mettre sous les yeux de nos lecteurs, eût été certainement bien
curieuse.

Les notes que j’ai retrouvées à la suite du manuscrit et qui étaient
l’esquisse du travail entier, me permettent de croire que ce qui ne devait
être d’abord qu’une simple conférence était devenu dans l’esprit de Fro-
mentin un véritable volume, où il aurait tracé l’histoire critique du mou-
vement romantique, avant de juger les efforts de la génération actuelle
et d’arrêter les conclusions de son « programme de critique ». Il est à
supposer que Fromentin, effrayé par les dimensions imprévues de sa
tâche, aura craint de se laisser détourner de travaux plus urgents pour
lui.
 
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