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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Nr. 5
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Gonse, Louis: Eugène Fromentin, 6: peintre et écrivain
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https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0499

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478

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

par vous; car je suis (out surpris moi-même de découvrir en vous lisant la notion
même de certains procédés, et d’apercevoir des formules d’art partout où je n’avais
agi que par instinct. Mais la grandeur du service, l’importance unique de votre pa-
tronage, l’honneur que vous faites au livre, le succès que vous lui assurez, tout ce qui
peut flatter ou servir l’écrivain, tout cela, madame, — me permettrez-vous de le dire? —
est dominé par un sentiment plus direct et plus intime. Et je vous suis plus recon-
naissant encore, si c’est possible, de vos bontés que de vos éloges.

Je vous remercie mille fois, madame, des offres que vous avez bien voulu me faire
de disposer de l’article pour l’imprimer en préface. Mais a priori, et toutes les ré-
flexions ne changeraient rien à ma façon de sentir, je ne puis les accepter. Me par-
donnerez-vous de vous expliquer pourquoi, sincèrement, et avec la plus absolue fran-
chise ?

Je n’ose pas, et j’en souffrirais dans un sentiment que je ne puis vaincre et que je
ne cherche point à préciser, mais que vous voudrez bien comprendre.

Vous avez la bonté d’affirmer que mon livre a de la valeur, et je le crois, puisque
vous le dites. Aussi, plus le témoignage d’estime est complet et affirmatif, plus il a
d’autorité, moins il souffre de réplique, et moins aisément, je vous le confesse, je me
déciderais à m’en parer devant l’opinion. Votre article, madame, a déjà eu, il aura le
retentissement de tout écrit signé de votre nom ; raison de plus pour que j’hésite à le
joindre au livre. Je n’oserais jamais rendre ainsi l’éloge inséparable du nom de l’au-
teur qui a l’honneur et le bonheur d’en être l’objet. Je n’oserais plus donner mon
volume à personne, par la même raison que les lettres que vous avez bien voulu m’é-
crire n’ont jamais été lues par personne en dehors de mon intimité de famille, et que
je rougirais de penser qu’elles ont pu passer sous des yeux indifférents.

Je ne sais si je m’explique bien, car le sentiment vrai que je voudrais vous faire
apprécier, madame, a des noms qui me répugnent aussi, et je vous dirais bien à toute
extrémité que c’est quelque chose comme de la modestie ou de la pudeur, si ces mots-
là ne me coûtaient eux-mêmes énormément à écrire.

J’ai laissé voir à Charles Edmond une partie de mes hésitations sans lui découvrir
le fond de ma pensée, de peur qu’il n’eût de trop bonnes raisons à m’opposer. Quant
à Lévy, qui ne considère la question qu’au point de vue très évident des intérêts du
livre, il est désolé que l’article ait paru trop tard pour que le volume en puisse pro-
fiter. Il compté bien en faire la préface du second tirage. Mon refus le consternera. Et
pourtant bien positivement je lui dirai non.

Je ne dois qu’à vous seule, madame, l’explication d’un scrupulo que vous seule
aussi saurez admettre. Il est à peine discutable, mais il est sincère et me paraît rai-
sonnable, puisque je l’éprouve. Et je préfère sacrifier toutes les satisfactions d’amour-
propre les plus enviables, que de souffrir d’une continuelle blessure faite à certains
côtés de ma nature, qui sont les plus obscurs, mais les plus sensibles.

Voilà, madame, ce que je tenais à vous dire tout de suite. Refuser des offres
comme les vôtres, c’est peut-être insensé; en tout cas, ce n’est pas ingrat. Et c’est la
seule chose que je vous supplie de croire, en accueillant, une fois encore, l’hommage
profond de ma gratitude.

Je vous ai laissé voir mes ennuis de travail, et vous voulez bien vous y intéresser.
Votre dernière lettre m’a porté bonheur. Je ne suis pas content, mais j’ai pris mon
parti d’être calme, et, comme j’ai la certitude d’avoir fait, sinon tout ce que j’ai voulu,
au moins à peu près ce que j’ai pu, je considère aujourd’hui beaucoup plus l’expé-
 
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