GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
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en toute sa personne aussi bien qu’en ses ouvrages, il conquiert autour
de lui tous les suffrages et réunit toutes les sympathies.
Désormais il marche à pas de géant. A la Dispute du saint Sacrement
succèdent Y Ecole cl’ Athènes, le Parnasse, les médaillons et les compo-
sitions de la voûte de la salle de la Signature. A chaque fresque nouvelle
découverte l’admiration grandit; l’artiste, enhardi par le succès, for-
tifié par l’effort et le progrès naturel que l’âge amène, s’affirme davan-
tage; sa composition devient plus libre, son dessin plus large, sa pein-
ture plus harmonieuse ; son imagination va se donner carrière plus
complètement. L’élève du Pérugin s’affranchit chaque jour un peu plus ;
bientôt il n’a plus que deux maîtres véritables: l’antiquité qu’il s’assimile
de plus en plus, la nature qu’il consulte sans cesse. Trois années lui ont
suffi à accomplir ce progrès nouveau depuis Florence. Sa gloire allait
grandissant chaque jour ; les élèves se pressaient pour suivre les leçons
du jeune maître et s’associer à ses œuvres. C’est alors qu’il est invité par
Jules II à décorer une seconde salle, celle qui, de l’une de ses œuvres,
prendra le nom de salle de YIléliodore.
Une chose lui restait pourtant à acquérir. D’admirables secrets dans
l’art de peindre avaient été découverts à Yenise. Ni le Pérugin, ni les
Florentins, ni Léonard de Vinci lui-même ne les avaient connus. Un art
nouveau avait surgi là. C’était une fraîcheur et une vivacité du coloris
dont l’Italie jusque-là ne s’était pas doutée, une richesse extraordinaire de
la palette ; l’éclat notait rien à l’harmonie ; dans les corps le sang paraissait
courir sous la peau fraîche et palpitante; la magnificence des draperies
de toute sorte réjouissait les regards, faisait de la peinture une fête pour
les yeux. Raphaël vit-il quelques toiles du vieux Palma, du jeune Gior-
gione ou du jeune Titien? Fut-ce le Vénitien Sébastien, qui, après avoir
été son ami, devait devenir plus tard son adversaire, qui lui apporta les
secrets dont il venait d’avoir la révélation? Sous cette influence nous
voyons se transformer soudain la peinture de Raphaël. Qui pourrait croire
que la même main qui a peint tout à l’heure Y École d’Athènes ouïe Par-
nasse est celle qui va peindre sitôt après les porteurs de Yllélioclore ou la
moitié supérieure de la Messe de Bolsène?
VIII. — Arrêtons-nous ici un moment. C’est l’heure bénie entre toutes
de la vie de Raphaël. 11 n’est pas assez occupé encore, il n’est pas dispersé
en d’assez nombreux et accablants travaux pour se contenter de faire les
cartons de ses compositions et en remettre trop souvent l’exécution aux
mains de ses disciples ; il a le temps de se recueillir pour produire, il a
le temps d’exécuter lui-même. S’il fait çà et là quelque portrait, c’est le
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en toute sa personne aussi bien qu’en ses ouvrages, il conquiert autour
de lui tous les suffrages et réunit toutes les sympathies.
Désormais il marche à pas de géant. A la Dispute du saint Sacrement
succèdent Y Ecole cl’ Athènes, le Parnasse, les médaillons et les compo-
sitions de la voûte de la salle de la Signature. A chaque fresque nouvelle
découverte l’admiration grandit; l’artiste, enhardi par le succès, for-
tifié par l’effort et le progrès naturel que l’âge amène, s’affirme davan-
tage; sa composition devient plus libre, son dessin plus large, sa pein-
ture plus harmonieuse ; son imagination va se donner carrière plus
complètement. L’élève du Pérugin s’affranchit chaque jour un peu plus ;
bientôt il n’a plus que deux maîtres véritables: l’antiquité qu’il s’assimile
de plus en plus, la nature qu’il consulte sans cesse. Trois années lui ont
suffi à accomplir ce progrès nouveau depuis Florence. Sa gloire allait
grandissant chaque jour ; les élèves se pressaient pour suivre les leçons
du jeune maître et s’associer à ses œuvres. C’est alors qu’il est invité par
Jules II à décorer une seconde salle, celle qui, de l’une de ses œuvres,
prendra le nom de salle de YIléliodore.
Une chose lui restait pourtant à acquérir. D’admirables secrets dans
l’art de peindre avaient été découverts à Yenise. Ni le Pérugin, ni les
Florentins, ni Léonard de Vinci lui-même ne les avaient connus. Un art
nouveau avait surgi là. C’était une fraîcheur et une vivacité du coloris
dont l’Italie jusque-là ne s’était pas doutée, une richesse extraordinaire de
la palette ; l’éclat notait rien à l’harmonie ; dans les corps le sang paraissait
courir sous la peau fraîche et palpitante; la magnificence des draperies
de toute sorte réjouissait les regards, faisait de la peinture une fête pour
les yeux. Raphaël vit-il quelques toiles du vieux Palma, du jeune Gior-
gione ou du jeune Titien? Fut-ce le Vénitien Sébastien, qui, après avoir
été son ami, devait devenir plus tard son adversaire, qui lui apporta les
secrets dont il venait d’avoir la révélation? Sous cette influence nous
voyons se transformer soudain la peinture de Raphaël. Qui pourrait croire
que la même main qui a peint tout à l’heure Y École d’Athènes ouïe Par-
nasse est celle qui va peindre sitôt après les porteurs de Yllélioclore ou la
moitié supérieure de la Messe de Bolsène?
VIII. — Arrêtons-nous ici un moment. C’est l’heure bénie entre toutes
de la vie de Raphaël. 11 n’est pas assez occupé encore, il n’est pas dispersé
en d’assez nombreux et accablants travaux pour se contenter de faire les
cartons de ses compositions et en remettre trop souvent l’exécution aux
mains de ses disciples ; il a le temps de se recueillir pour produire, il a
le temps d’exécuter lui-même. S’il fait çà et là quelque portrait, c’est le