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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
avec fidélité les croyances et les goûts des contemporains. Elles
montrent l’incessante et admirable variété des œuvres grecques,
toujours adaptées à l’esprit particulier de chaque génération.
Dans ce premier groupe, on voit en pleine lumière les trois
éléments essentiels de l’art du cinquième siècle : expression sereine
et grave des visages, aspect puissant des corps, adaptation de
la draperie au caractère moral du
personnage. La psychologie devient
alors la raison d’être de l'art. Tous
les ressorts sont tendus vers ce but :
définir la personnalité d'un dieu ou
d’un homme. Mais les moyens pour
y parvenir ne doivent troubler en
rien l'harmonie générale de la beauté
extérieure. Chez le Dionysos assis des
frontons du Parlhénon, chez le Dory-
phore de Polyclèle, la vigueur phy-
sique reste latente ; elle n'apparait
qu'à la réflexion, et le contraste voulu
entre la force redoutable de ces corps
athlétiques et leur attitude tranquille
produit une impression de plénitude
de vie et de santé qui ébranle l’âme.
Ainsi se forme dans l’art grec un
idéal, fait de puissance musculaire
et de sérénité morale, qui est resté
aux yeux de la foule la formule clas-
sique de P antiquité tout entière, mais qui n’est, en somme, que le
rêve très personnel du siècle de Périclès, car les âges suivants ont
réalisé de tout autres conceptions.
C’est cet idéal que nous trouvons dans d’admirables figurines
du Louvre, comme le buste de Coré, symbole de l’anoclos ou de la
montée de la déesse, sortant des Enfers et ramenant le printemps à
la surface de la terre, ou comme XHermès au bélier, précieuse réduc-
tion d’une statue d’Onatas. Les modeleurs se sont préoccupés de trans-
poser dans l’argile les visages graves, les corps robustes et gonflés
de sève que leur offraient les innombrables modèles de la grande
sculpture. Ils ont rendu avec soin la sobriété de gestes, l’immobilité
sans raideur qui prête aux œuvres du grand siècle une majesté
impressionnante. La draperie colle au corps, à peine remuée de
BUSTE DE CORÉ
( V' SIÈCLE)
(Musée du Louvre.)
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
avec fidélité les croyances et les goûts des contemporains. Elles
montrent l’incessante et admirable variété des œuvres grecques,
toujours adaptées à l’esprit particulier de chaque génération.
Dans ce premier groupe, on voit en pleine lumière les trois
éléments essentiels de l’art du cinquième siècle : expression sereine
et grave des visages, aspect puissant des corps, adaptation de
la draperie au caractère moral du
personnage. La psychologie devient
alors la raison d’être de l'art. Tous
les ressorts sont tendus vers ce but :
définir la personnalité d'un dieu ou
d’un homme. Mais les moyens pour
y parvenir ne doivent troubler en
rien l'harmonie générale de la beauté
extérieure. Chez le Dionysos assis des
frontons du Parlhénon, chez le Dory-
phore de Polyclèle, la vigueur phy-
sique reste latente ; elle n'apparait
qu'à la réflexion, et le contraste voulu
entre la force redoutable de ces corps
athlétiques et leur attitude tranquille
produit une impression de plénitude
de vie et de santé qui ébranle l’âme.
Ainsi se forme dans l’art grec un
idéal, fait de puissance musculaire
et de sérénité morale, qui est resté
aux yeux de la foule la formule clas-
sique de P antiquité tout entière, mais qui n’est, en somme, que le
rêve très personnel du siècle de Périclès, car les âges suivants ont
réalisé de tout autres conceptions.
C’est cet idéal que nous trouvons dans d’admirables figurines
du Louvre, comme le buste de Coré, symbole de l’anoclos ou de la
montée de la déesse, sortant des Enfers et ramenant le printemps à
la surface de la terre, ou comme XHermès au bélier, précieuse réduc-
tion d’une statue d’Onatas. Les modeleurs se sont préoccupés de trans-
poser dans l’argile les visages graves, les corps robustes et gonflés
de sève que leur offraient les innombrables modèles de la grande
sculpture. Ils ont rendu avec soin la sobriété de gestes, l’immobilité
sans raideur qui prête aux œuvres du grand siècle une majesté
impressionnante. La draperie colle au corps, à peine remuée de
BUSTE DE CORÉ
( V' SIÈCLE)
(Musée du Louvre.)