LES « NYMPHEAS » DE M. CLAUDE MON ET1
On voudrait, avant de trans-
crire ses impressions, en re-
monter le cours et les ordonner
pour mieux les définir. Le pre-
mier sentiment éprouvé devant
ces quarante-huit ouvrages est
celui d’une surprise désorien-
tée. Chez la plupart, des objec-
tions, étrangères à la peinture,
révèlent ce malaise : elles tien-
nent à l’identité du sujet et
au nombre des répliques ; elles
tiennent à l’aspect fragmen-
taire que semblent d’abord
revêtir ces tableaux. Il y a là une affirmation d’autorité et d’indé-
pendance, une suprématie du moi, qui offensent notre vanité et
humilient notre orgueil. M. Claude Monet n’a souci que de se satis-
faire; il dépense sa peine et trouve son plaisir à différencier les
jouissances éprouvées, le long du jour, au regard d’un même site;
telles sont les fins, égoïstes en apparence, de son art, et il sied que
tout s’y subordonne : un thème vaut dans la mesure où il enrichit
la vue de sensations plus abondantes et plus précieuses. Le système
nous était connu; mais M. Claude Monet ne s’était pas encore avisé
d’en pousser aussi loin les conséquences.
Que le dôme des meules s'arrondisse au ras de la plaine; que
les peupliers dressent leur haie et fusent dans l’air à intervalles égaux;
que tel portail gothique offre ses sculptures au flamboiement de la
lumière; que la falaise surplombe l’océan ou que la Seine enlace de
ses bras 1 îlot boisé; que, dans le parc, les nénuphars hérissent la
face du bassin paisible; à Londres, qu’un pont enfonce ses
I. Exposition à la galerie Durand-Ruel, du 6 mai au 12 juin.
On voudrait, avant de trans-
crire ses impressions, en re-
monter le cours et les ordonner
pour mieux les définir. Le pre-
mier sentiment éprouvé devant
ces quarante-huit ouvrages est
celui d’une surprise désorien-
tée. Chez la plupart, des objec-
tions, étrangères à la peinture,
révèlent ce malaise : elles tien-
nent à l’identité du sujet et
au nombre des répliques ; elles
tiennent à l’aspect fragmen-
taire que semblent d’abord
revêtir ces tableaux. Il y a là une affirmation d’autorité et d’indé-
pendance, une suprématie du moi, qui offensent notre vanité et
humilient notre orgueil. M. Claude Monet n’a souci que de se satis-
faire; il dépense sa peine et trouve son plaisir à différencier les
jouissances éprouvées, le long du jour, au regard d’un même site;
telles sont les fins, égoïstes en apparence, de son art, et il sied que
tout s’y subordonne : un thème vaut dans la mesure où il enrichit
la vue de sensations plus abondantes et plus précieuses. Le système
nous était connu; mais M. Claude Monet ne s’était pas encore avisé
d’en pousser aussi loin les conséquences.
Que le dôme des meules s'arrondisse au ras de la plaine; que
les peupliers dressent leur haie et fusent dans l’air à intervalles égaux;
que tel portail gothique offre ses sculptures au flamboiement de la
lumière; que la falaise surplombe l’océan ou que la Seine enlace de
ses bras 1 îlot boisé; que, dans le parc, les nénuphars hérissent la
face du bassin paisible; à Londres, qu’un pont enfonce ses
I. Exposition à la galerie Durand-Ruel, du 6 mai au 12 juin.