Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (4. Pér. 1.1909)

LES TERRES CUITES DE TANAGRE

Qu’entend-on par « terres cuites de
Tanagre»? A quelle catégorie d’œuvres
d’art fait-on allusion? Personne n’hé-
sitera à répondre à cette question.
Tout le monde connaît, tout le monde
aime ces jolies statuettes grecques,
sorties de la grande nécropole de Béotie,
rehaussées de quelques tons bleus ou
roses, frêles idoles d'argile qui parent
la vitrine ou l’étagère de tant d’ama-
teurs. Tel est le renom de ces élégantes
promeneuses, decesgarçonnetsjoueurs,
de ces Eros badins, qu’ils semblent avoir
absorbé en eux toute la force et toute
la gloire de la fabrication. antique et
qu’à côté d’eux le reste ne compte pas.

Pourtant, ce reste contient aussi des chefs-d’œuvre. La mode,
toujours tyrannique et exclusive, a trop fait oublier qu’avant d’aboutir
à l’art gracieux né sous l’influence de Praxitèle et de Scopas, les
modeleurs, à Tanagre même, comme dans d’autres parties de la
Grèce, avait connu et imité des modèles d’une qualité supérieure,
les créations de Phidias et de ses contemporains. Si l’on regarde
avec attention les vitrines du Louvre, on y découvrira nombre de
figurines où l’artiste n’a recherché ni la grâce, ni l’enjouement, ni
la familiarité, mais plutôt la gravité et le recueillement religieux.
Gomme tous les produits industriels, les terres cuites reproduisent

MASQUE DE DIONYSOS
(Ve SIÈCLE)
(Musée du Louvre.)

1. Voir dans la Gazette les articles de O. Rayet (Les Figurines de Tanagra au
Musée du Louvre, 1875, t. I, p. 297, 551, et t. II, p. 56) et de M. H. Léchât (Tanagra,
1893, t. II, p. 5 et 122).