« LA TRISTESSE, LA LANGUEUR DU CORPS HUMAIN... » 1
TABLEAU PAR M. CH. COTTET
(Société Nationale des Beaux-Arts.)
LES SALONS DE 1909
(deuxième article2)
SOCIÉTÉ NATIONALE DES BEAUX-ARTS
(Suite)
Lorsqu’il est en face du même devoir que le peintre de
paysages, de la même tâche à la vérité surhumaine : expri-
mer la nature, le critique exige la présence de tout son
génie. Il dresse l’état de son vocabulaire. Il fait appel à toutes ses
forces, à tous ses dons. II en emprunte, et voici qu’un peu malgré lui
il brouille toutes les formes de l’art, à force de les définir l’une par
l’autre, et se croit au sommet de sa peine parce qu’il a substitué
aux couleurs les sons. Tout le lyrisme qu’il répudierait pour
raconter ce qui l’a ému lui-même: une allée d’ombre semée de
pièces de soleil, un coin de labour et des pans de haie sous un ciel
très simple, il l’appelle et il l’emploie si l’allée et si la haie sont sur
quelques centimètres de toile dont, pour le moins, il faudra vanter
la science orchestrale et les raffinements d’écriture !
Ou bien il se résignera à sa misère verbale. Il peut le faire, s’il
1. D’après les vers de Verlaine.
2. V. Gazette des Beaux-Arts, 1909, t. 1, p. 385.
TABLEAU PAR M. CH. COTTET
(Société Nationale des Beaux-Arts.)
LES SALONS DE 1909
(deuxième article2)
SOCIÉTÉ NATIONALE DES BEAUX-ARTS
(Suite)
Lorsqu’il est en face du même devoir que le peintre de
paysages, de la même tâche à la vérité surhumaine : expri-
mer la nature, le critique exige la présence de tout son
génie. Il dresse l’état de son vocabulaire. Il fait appel à toutes ses
forces, à tous ses dons. II en emprunte, et voici qu’un peu malgré lui
il brouille toutes les formes de l’art, à force de les définir l’une par
l’autre, et se croit au sommet de sa peine parce qu’il a substitué
aux couleurs les sons. Tout le lyrisme qu’il répudierait pour
raconter ce qui l’a ému lui-même: une allée d’ombre semée de
pièces de soleil, un coin de labour et des pans de haie sous un ciel
très simple, il l’appelle et il l’emploie si l’allée et si la haie sont sur
quelques centimètres de toile dont, pour le moins, il faudra vanter
la science orchestrale et les raffinements d’écriture !
Ou bien il se résignera à sa misère verbale. Il peut le faire, s’il
1. D’après les vers de Verlaine.
2. V. Gazette des Beaux-Arts, 1909, t. 1, p. 385.