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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 1.1909

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Nr. 1
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Leprieur, Paul: Les récentes acquisitions du département des peintures au Musée du Louvre (1907 - 1908), 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24871#0080

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

en costume de velours noir coupé de bandes verdâtres, qui s’enlève
en lumière sur un fond gris uni, représenté à mi-jambes, assis près
d’une table où s’appuie le bras gauche et où est ouvert, dans sa reliure
de vélin jaunâtre, un recueil de plantes coloriées, indiquant visible-
ment quelque occupation familière. Sous le rideau de soie bleu ver-
dâtre à reflets blancs, bordé d’une frange verte et jaune, drapé à gauche
dans son embrasse, est la solennelle inscription latine, en quatre
ligues de capitales, qui authentique l’œuvre : FR. JANETII. OPUS ] PE.
QUTTIO. AMICO. SINGULARI \ AETATIS SUE XLIIII | 1562. Il est désormais
prouvé et reconnu de façon indubitable que cet « ami très cher »
(iamicus singularis) est un notable bourgeois, épicier et apothicaire
parisien, Pierre Quthe, dont on suit l'histoire par des documents
d’archives de 1544 à 1588, année peu éloignée de la date même de sa
mort, qui possédait un jardin renommé de plantes médicinales, et se
trouvait habiter, comme François Clouet lui-même, dans la rue Saint-
Avoye (aujourd'hui rue du Temple). Les liens de sympathie, d’estime
et d'amitié réciproque purent ainsi se former tout naturellement,
grâce aux relations de bon voisinage. Ce portrait n’est donc pas sim-
plement révélateur du génie du peintre ; il nous fait entrer dans son
intimité, dans sa vie de tous les jours et nous ouvre un peu de son
âme.

Ce qui peut étonner, dans une image ainsi conçue pour fixer les
traits d'un ami, et où il est pris, d'ailleurs, sur le vif, en sa vérité
physionomique la plus parlante, c’est combien l’attitude et la pose
gardent pourtant une nuance de grave décorum, de noblesse et
d'apparat. On n'avait pas encore l’habitude alors de se montrer en
son déshabillé et d'y mettre même une sorte de coquetterie à rebours;
on tenait à faire toilette et belle figure devant la postérité. Aussi le
brave Pierre Quthe, bien paré et soigné dans sa mise, pose-t-il ingé-
nument ici comme chez le photographe, dans un arrangement de
circonstance, et où n’a pas été oublié le livre, indice de sa profession.
François Clouet n’emploie pas, en somme, pour lui d’autre formule
que pour tel ou tel de ses portraits royaux. Peut-être ennoblit-t-il un
peu l’aspect du bourgeois, s’il donne, en revanche, à la majesté des
souverains un cachet d’humanité vivante. C’est, dans les deux cas, le
même mélange savoureux et candide de naturel dans la dignité
simple. Il n'est pas jusqu’à certain accessoire décoratif, comme le
rideau drapé, qui ne semble ici la marque d’une de ses prédilections.
On le retrouve presque absolument identique, à gauche du person-
nage, dans le grand portrait en pied de Henri 77, aux Offices, ou
 
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