RÉCENTES ACQUISITIONS DU MUSÉE DU LOUVRE 71
dans la réplique de petite dimension qu’en possède le Louvre; et c’est
à peu de chose près le même arrangement que nous montrent encore
deux autres rares œuvres signées, le grand Charles IX du musée de
Vienne, également représenté par une réduction au Louvre, et la
curieuse Femme au bain de la collection de sir Francis Cook L L’œuvre
est donc éminemment significative, et, dans l’histoire encore si
mal débrouillée des peintures du maitre, elle est appelée à servir de
pierre de touche sûre. On en a constaté avec surprise l’allure à demi
italienne, évoquant des souvenirs de Moroni ou de Bronzino. Sans la
signature, elle fût évidemment restée longtemps anonyme et à peine
l’eût-on même crue française. Qui sait si demain, grâce à elle, plus
d’une œuvre cachée sous des noms ultramontains ne reprendra pas
également pour nous ses vrais titres de gloire ? Qui sait même si l’ori-
gine tant discutée des Clouet n’en sera pas entièrement renouvelée,
si l’on ne verra pas un jour dans ces singulières conformités d’accent
comme un instinct conservé de race, et si l’on ne finira pas par
découvrir du côté de l’Italie la nationalité première de cette dynastie
d’artistes, jusqu’ici rattachée à la Flandre à peu près uniquement
sur la foi d’une tradition ?1 2.
C’est à une assez grande distance de cette époque et de ces graves
problèmes que vont nous entraîner les autres œuvres françaises,
conquises par le Louvre en ces deux dernières années. Si elles n’ont
pas pour la plupart une aussi exceptionnelle importance, du moins
sont-elles marquées au plus haut point de ce caractère d’élégance et
de grâce, qui semble avoir été de tout temps l’apanage de notre pays.
Le xvme siècle en eut plus que tout autre le privilège, capricieux,
mobile et divers, tour à tour sérieux et frivole, passionné et moqueur,
relevant d’esprit tout ce qu’il touchait, mettant un charme et un art
divin même aux plus légères futilités. Dans le groupe des acquisitions
nouvelles, il occupe une place de choix et nous arrêtera tout d’abord.
La section des miniatures, bien qu’empiétant sur l’Empire et
nous menant même aux confins de la Restauration, nous en écarte
1. Il n’est pas sans intérêt de constater non plus l’analogie de facture, que
semblerait offrir, de son côté, le velours drapé sur le rebord, au-dessous du
grand Portrait de François Ier, attribué à Jean Clouet, au musée du Louvre
(n° 126 du cat.). Cela ferait presque soupçonner ce détail de n’être chez François
Clouet que l’indice d’une tradition d’atelier.
2. M. Moreau-Nélaton (loc. cit.) a laissé entrevoir cette possibilité. Nous ne
saurions, toutefois, partager l’opinion de M. de Mély, proposant dès à présent
assez témérairement de les identifier avec les Clovio (Chronique des Arts, 9 mai
1908, p. 182-183).
dans la réplique de petite dimension qu’en possède le Louvre; et c’est
à peu de chose près le même arrangement que nous montrent encore
deux autres rares œuvres signées, le grand Charles IX du musée de
Vienne, également représenté par une réduction au Louvre, et la
curieuse Femme au bain de la collection de sir Francis Cook L L’œuvre
est donc éminemment significative, et, dans l’histoire encore si
mal débrouillée des peintures du maitre, elle est appelée à servir de
pierre de touche sûre. On en a constaté avec surprise l’allure à demi
italienne, évoquant des souvenirs de Moroni ou de Bronzino. Sans la
signature, elle fût évidemment restée longtemps anonyme et à peine
l’eût-on même crue française. Qui sait si demain, grâce à elle, plus
d’une œuvre cachée sous des noms ultramontains ne reprendra pas
également pour nous ses vrais titres de gloire ? Qui sait même si l’ori-
gine tant discutée des Clouet n’en sera pas entièrement renouvelée,
si l’on ne verra pas un jour dans ces singulières conformités d’accent
comme un instinct conservé de race, et si l’on ne finira pas par
découvrir du côté de l’Italie la nationalité première de cette dynastie
d’artistes, jusqu’ici rattachée à la Flandre à peu près uniquement
sur la foi d’une tradition ?1 2.
C’est à une assez grande distance de cette époque et de ces graves
problèmes que vont nous entraîner les autres œuvres françaises,
conquises par le Louvre en ces deux dernières années. Si elles n’ont
pas pour la plupart une aussi exceptionnelle importance, du moins
sont-elles marquées au plus haut point de ce caractère d’élégance et
de grâce, qui semble avoir été de tout temps l’apanage de notre pays.
Le xvme siècle en eut plus que tout autre le privilège, capricieux,
mobile et divers, tour à tour sérieux et frivole, passionné et moqueur,
relevant d’esprit tout ce qu’il touchait, mettant un charme et un art
divin même aux plus légères futilités. Dans le groupe des acquisitions
nouvelles, il occupe une place de choix et nous arrêtera tout d’abord.
La section des miniatures, bien qu’empiétant sur l’Empire et
nous menant même aux confins de la Restauration, nous en écarte
1. Il n’est pas sans intérêt de constater non plus l’analogie de facture, que
semblerait offrir, de son côté, le velours drapé sur le rebord, au-dessous du
grand Portrait de François Ier, attribué à Jean Clouet, au musée du Louvre
(n° 126 du cat.). Cela ferait presque soupçonner ce détail de n’être chez François
Clouet que l’indice d’une tradition d’atelier.
2. M. Moreau-Nélaton (loc. cit.) a laissé entrevoir cette possibilité. Nous ne
saurions, toutefois, partager l’opinion de M. de Mély, proposant dès à présent
assez témérairement de les identifier avec les Clovio (Chronique des Arts, 9 mai
1908, p. 182-183).