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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 1.1909

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Nr. 3
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Vauxcelles, Louis: L' "Enseigne de Gersaint"
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https://doi.org/10.11588/diglit.24871#0232

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210

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

h'Enseigne fut peinte en 1721, par Watteau qui revenait d’An-
gleterre plus las et douloureux que jamais. Il eut la fantaisie, pour
se distraire et « se dégourdir les doigts » (ce sont les termes
qu’emploie Gersaint lui-même dans sa notice du catalogue Quantin
de Lorangère), de composer une sorte de « plat fond » destiné à la
boutique, sise au Pont Notre-Dame, de son ami et protecteur. En
huit jours, en huit matinées, la chose fut faite, de verve. Il l’enleva
avec un prodigieux entrain. Et c’est celle de ses œuvres qui « aiguisa
le plus son amour-propre ». Le Tout-Paris de 1721 accourut s’ex-
tasier chez Gersaint, car s’il y avait, à cette époque, — et même
cent vingt ans plus tard, — des connaisseurs décrétant, avec Coypel,
que Watteau est « un excellent homme de qui il faut louer l’agréable
manière », il se rencontrait aussi d’autres amateurs d’une sensibi-
lité plus prophétique.

Le sujet traité représentait une galerie de peinture que visitent
d’élégants personnages, jeunes seigneurs et dames pimpantes, pen-
dant que des ouvriers en bras de chemise emballent un tableau dans
une caisse. Les murs de la galerie sont revêtus de toiles espagnoles,
flamandes on françaises, où Watteau s’était ingénié à rappeler la
manière des maîtres. Deux groupes fort distincts : celui de gauche

— portefaix encaissant une toile, — et celui de droite — amateurs
et jolies femmes inspectant des ob jets d’art. En somme, une sorte de
diptyque sur une seule toile.

Par quelles mains Y Enseigne va-t-elle passer? Gersaint la vend
au conseiller Glucq de Saint-Port. En 1744, elle est accrochée dans
le cabinet de M. de Julienne, grand ami de Watteau. M. de Julienne

— est-ce un pressentiment du vandalisme à venir et de l’imbroglio?

— la fait aussitôt graver par Aveline. A la vente Julienne, en 1767,
YEnseigne a disparu! A la vente Guillaume 1 en 1769, on la retrouve,
non plus entière, mais morcelée, mutilée, le côté gauche seul restant.
La désignation du fragment au catalogue est formelle : « N° 209 :
un tableau sur toile, par Watteau, qui formait un des côtés clu tableau
de Gersaint, représentant un peintre gui fait encaisser des tableaux.
IL 36 p., L. 48 p. »

Donc, en 1769, YEnseigne est tronquée, —- accident ou déchirure

1. L’abbé Guillaume était un collectionneui’ émérite. Sa vente, le 18 octo-
bre 1769, fut considérable. Elle ne comportait pas moins de 319 numéros, dont
248 peintures, parmi lesquelles un autre tableau de Watteau, Le Docteur, prove-
nant de la galerie Julienne. A ladite vente Louis XV fit de nombreuses acquisi-
tions.
 
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