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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 1.1909

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Nr. 3
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Leprieur, Paul: Les récentes acquisitions du département des peintures au Musée du Louvre (1907 - 1908), 3
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https://doi.org/10.11588/diglit.24871#0300

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268

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

toutes pareilles, de porphyre brun rougeâtre à base grise, limitant
l’horizon. M. L. Kaemmerer, en 1899, dans son excellent livre sur
Memling (p. 20 et 21), reconstitua sur le papier cet ensemble, en
plaçant les portraits face à face, et le vieux couple se retrouva
même, en ces deux dernières années, encore plus complètement
réuni, grâce au prêt du portrait de femme, volet droit du diptyque,
temporairement consenti parle collectionneur au musée de Berlin '.
Sans négliger ni dédaigner les mérites de l’époux, il faut avouer
que l’art de Memling, en ce qu’il a de plus subtil et de plus délicat,
dans sa nuance propre de réalisme attendri et de sentimentalité
fine, où survit comme un souvenir ineffaçable d’idéalisme rhénan,
se manifeste surtout éloquemment dans l’image de vieille femme.
Entre les divers portraits féminins du maître, au-dessus de la
Femme de Guillaume Moreel ou de la Sibylle Sambetha, qui comptent
pourtant dans son œuvre, c’est même incontestablement ici un des
plus étonnamment expressifs et des plus saisissants par une sorte de
vie intérieure profonde. Comment oublier, lorsqu’on l’a vu, cet
extraordinaire visage de vieille, d’un type si puissamment caracté-
risé, avec son allure de béguine, ses yeux fanés, ses lèvres déco-
lorées et minces, toute concentrée et rentrée sur elle-même, mais
gardant sous l’usure de l’âge, malgré la mélancolie des souvenirs,
un fond singulièrement vivace de résistance et d’énergie morale?
Comment aussi ne pas goûter la délicieuse harmonie claire, qui fait
ressortir, par les noirs profonds de la robe, le vif éclat de la ceinture
rouge ou les gris veloutés du parement de fourrure, l’effet merveil-
leusement lumineux des chairs rosées et des mousselines blanches
légères de la guimpe ou du hennin qui les encadrent? Plus d’un
moderne pourrait en envier la fraîcheur et la délicatesse, trouvailles
d’un pinceau ingénu en son raffinement. Le Louvre qui, dans les
salles relativement peu fournies de ses Primitifs flamands, ne pos-
sédait pour le xve siècle aucun portrait isolé de ce genre, peut dou-
blement se féliciter d’avoir réussi à combler cette lacune, par un
chef-d’œuvre digne en tous points d’un grand musée.

PAUL LEPRIEUR

4. C’est presque immédiatement au retour de cet exode que le Louvre put
acquérir l’œuvre, par l’intermédiaire de M. Kleinberger, qui lui avait également
vendu précédemment l’Homme au verre de vin.
 
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