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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 1.1909

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Nr. 3
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Hautecoeur, Louis: Le sentimentalisme dans la peinture française de Greuze à David, 2, Les thèmes sentimentaux
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https://doi.org/10.11588/diglit.24871#0302

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270

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

la grand’mère qui retient le dernier né penché vers le chien, c’est
déjà la peinture familiale et morale, c’est déjà Greuze; ce tableau
marque la transition entre Chardin et le Greuze déclamatoire de la
Malédiction paternelle. D’ailleurs, Greuze ne remporte d’abord que
peu de succès auprès des critiques : on trouvait son genre « trop
bas » ; ce n’est que dix ans après, à l’époque de la Nouvelle Héloïse,
que Greuze réunit tous les suffrages avec son Accordée de village.
C’est donc, nous paraît-il, entre 1753 et 1761, à l’époque où se répan-
dait la littérature sentimentale, que la peinture se prit à l’imiter et
que se fixèrent les thèmes, en nombre assez restreint.

Cependant il serait faux de s’imaginer qu’il n’y eut pas évolution
et que de Greuze à David les mêmes thèmes restèrent populaires.
Il y avait bien des raisons pour qu’ils changeassent : la diversité
des origines entraînait la diversité même des caractères, les œuvres
inspirées de Clarisse Harlowe ne pouvaient ressembler aux illustra-
tions deGessner. La nature psychologique du sentimentalisme avait
même conséquence : cette manie de s’attendrir de ses propres états
d’âme est une habitude de raffinés et il n'y a pas loin de ce sensua-
lisme de l’esprit au sensualisme de la chair; aussi les sujets senti-
mentaux sont-ils tout langoureux de volupté; quand Greuze peint la
Paix du ménage, quand il nous montre l’union de ces deux époux
en contemplation devant leur fils, il les serre en un étroit et mol
enlacement; quand, dans le Repentir, une femme écoute la pieuse
lecture d’une religieuse, elle ne laisse point sous ses draps d’arrondir
les formes de son corps, et c’est avec une véritable sensualité que
toutes ces bonnes mères allaitant leurs enfants exposent les blan-
cheurs d’une jeune poitrine. Le sentimentalisme ne sera pas seule-
ment sensuel; comme rien ne nous attendrit autant que la vue des
misères et des joies de nos semblables, il se fera réaliste quand les
paysans seront à la mode, les bons pères vivront à l’abri des chau-
mières; mais quand l’antiquité sortira des fouilles, ils disserteront
dans les palais et dans les temples : suivant la mode du moment se
succéderont les genres sentimentaux. Sans doute, on ne peut établir
une rigoureuse chronologie, l’un ne remplace pas l’autre, il y a sou-
vent coexistence; mais ce qu’il importe de montrer, c’est l’ordre
d’apparition des différents thèmes. Pour indiquer les grands traits
de cette histoire, nous serons bien forcés de laisser un peu dans
l’ombre la complexité des événements, nous devrons donner des
étiquettes un peu factices sans doute aux divers genres que nous
avons distingués. Ce n’est pourtant point simple artifice d’exposi-
 
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