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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 1.1909

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Nr. 4
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Doin, Jeanne: Thomas Rowlandson, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24871#0419

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THOMAS ROWLANDSON

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vements, de convulsions, un déchaînement de passions, de cris, de
jeux de physionomies : apostrophes, invectives, menaces, soupirs et
pleurs. Et de cette foule bigarrée qui passe et se bouscule en se
tenant les côtes ou en hurlant de détresse, jaillit une vie intense,
échevelée, assourdissante ! Tous les ridicules éclos de la niaiserie des
uns et de la goujaterie des autres sont là, vitupérés. Il fait Thistoire
des amours surannées, des colloques sentimentaux, des comédies
élégiaques ; il raconte le grotesque des adultères, la grandeur et la
décadence des courtisanes, telle sa Vieille brebis habillée en agneau ;
mais souvent, sous la charge, le sérieux se laisse entrevoir et sous
le plaisir pointe le drame, comme dans cette eau-forte d’une excel-
lente exécution : Bouillon froid et malheur, représentant un groupe
de patineurs s’effondrant sous la glace. Le champ d’investigation
de l’artiste est immense. 11 s’attaque à la nature humaine; c’est
tout dire. Observateur perspicace, il la cinématographie sous ses
formes les plus diverses, sous ses aspects les plus secrets, dans ses
incarnations multiples. Avares, gourmands, luxurieux, il vous
dévoile; orgueilleux, il vous bafoue; envieux, il vous démasque.
Peti tes gens prétentieux, vieilles ladies coquettes, gros bonnets pleins
de morgue, mauvais époux, prédicateurs ignorants, mégères, char-
latans, fats, grincheux, ivrognes, sans pitié pour vos actions hon-
teuses ou basses, il vous raille. Et à côté de ces satires féroces qui
cinglent et écrasent, il partira d’un rire bon enfant en fixant sur le
papier quelque farce villageoise : les amusements champêtres, les
foires, les bals-musettes, les joyeusetés des matelots en ribote,
autant d’occasions pour lui de laisser déborder sa bruyante gaieté
dans un déploiement de ripailles à la Steen. Puis, il aura des atten-
drissements touchants pour la misère du peuple, pour ce peuple des
faubourgs, hâve, étique, déguenillé, nourri de suie, de pommes de
terre et d’alcool, pauvres hères faméliques qui passent, telles des
ombres, dans le brouillard londonien. Et par moment, au milieu de
tout ce réalisme, il aura des retours vers l’art de sa prime jeunesse,
des revenez-y d’idéal, et ce seront, dans quelque parc verdoyant, des
théories de jeunes beautés se promenant chastement enlacées.

La sinuosité des traits, les masques grotesques, les groupements,
et même la composition, rappellent un de nos artistes, et non des
moindres : Honoré Daumier. Le rapprochement ménage des surprises.
Telle esquisse réunissant douze types d’hommes placés en amphi-
théâtre dans des poses plus ou moins distraites, et que Rowlandson
désigne sous le nom de Spécial Jury, fait penser au Ventre législatif ;

4 e PÉRIODE.

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