LA COLLECTION VICTOR GAY AUX MUSÉES NATIONAUX 409
Ces huit grands amis du Louvre1 ne m’en voudront sans doute
pas de livrer leurs noms au public, car ce n’est pas cette notoriété
qu’ils ont cherchée; mais ils ne peuvent trouver mauvais qu’au nom
de la collectivité je leur exprime ici l’inaltérable gratitude que nous
leur devons. Ils n’ont pas un seul instant discuté les aléas et les
risques d’une opération désintéressée ; généreusement ils sont allés
au plus pressant : retenir pour le plus grand bien du musée une
merveilleuse collection, prête à être dispersée, et permettre à cinq
départements intéressés d’y prélever le meilleur, les éléments de
premier ordre, précieux et rares, dont on peut dire qu’ils se sont
trouvés vraiment enrichis. Et cet apport nouveau, conséquence du
choix, s’est fait de la façon idéale, sans mélange impur, sans cet
inévitable déchet dont la collection la mieux faite se trouve toujours
alourdie.
Parler de son ancien possesseur, Victor Gay, ce sera faire com-
prendre, en même temps, dans quel esprit cette collection fut faite
et les raisons pour lesquelles le Louvre devait, à tout prix, s’en
assurer la possession.
Victor Gay s’était passionné, de bonne heure, pour l’archéologie,
et dès 1839 il suivait les derniers cours d’Alexandre Lenoir. Elève
de Labrouste, collaborateur de Viollet-le-Duc et de Lassus dans les
premières restaurations de Notre-Dame de Paris, il avait pris de
Viollet-le-Duc, surtout, cette large curiosité qui ne dédaignait pas
des menus objets les multiples renseignements qu’ils peuvent si
souvent nous offrir. L’idée d’entreprendre une encyclopédie des
arts du Moyen âge dans une forme renouvelée de celle qu’avait
adoptée Du Cange, avait déjà préoccupé M. de Laborde. Dans la
préface de son Glossaire (Notice des Émaux du Louvre, 2e partie,
1833), il avait expliqué que ce qu’il présentait au public n’était que
le fragment d’un grand dictionnaire dont il développait le but et
le plan, « fondé sur la citation complète des textes, sur la repro-
duction exacte des monuments ». Ce dictionnaire ne parut jamais,
et nous ne possédons de M. de Laborde que ce petit Glossaire borné
aux monuments du Louvre, et destiné à les expliquer aux visi-
teurs. Ce fut vers la même époque que Viollet-le-Duc commençait
la publication de son Dictionnaire du Mobilier, qui fut, bien plus
qu’un recueil de documents, une série de commentaires, et dont,
depuis lors, M. Henri Havard ne fit que reprendre, en les éten-
1. MM. le baron Edmond de Rothschild, Tenaille, Jules Maciet, Peytel, Théo-
dore Reinach, Jacques Slein, Alfred André, Jules Bruneau.
4e PÉRIODE.
Ces huit grands amis du Louvre1 ne m’en voudront sans doute
pas de livrer leurs noms au public, car ce n’est pas cette notoriété
qu’ils ont cherchée; mais ils ne peuvent trouver mauvais qu’au nom
de la collectivité je leur exprime ici l’inaltérable gratitude que nous
leur devons. Ils n’ont pas un seul instant discuté les aléas et les
risques d’une opération désintéressée ; généreusement ils sont allés
au plus pressant : retenir pour le plus grand bien du musée une
merveilleuse collection, prête à être dispersée, et permettre à cinq
départements intéressés d’y prélever le meilleur, les éléments de
premier ordre, précieux et rares, dont on peut dire qu’ils se sont
trouvés vraiment enrichis. Et cet apport nouveau, conséquence du
choix, s’est fait de la façon idéale, sans mélange impur, sans cet
inévitable déchet dont la collection la mieux faite se trouve toujours
alourdie.
Parler de son ancien possesseur, Victor Gay, ce sera faire com-
prendre, en même temps, dans quel esprit cette collection fut faite
et les raisons pour lesquelles le Louvre devait, à tout prix, s’en
assurer la possession.
Victor Gay s’était passionné, de bonne heure, pour l’archéologie,
et dès 1839 il suivait les derniers cours d’Alexandre Lenoir. Elève
de Labrouste, collaborateur de Viollet-le-Duc et de Lassus dans les
premières restaurations de Notre-Dame de Paris, il avait pris de
Viollet-le-Duc, surtout, cette large curiosité qui ne dédaignait pas
des menus objets les multiples renseignements qu’ils peuvent si
souvent nous offrir. L’idée d’entreprendre une encyclopédie des
arts du Moyen âge dans une forme renouvelée de celle qu’avait
adoptée Du Cange, avait déjà préoccupé M. de Laborde. Dans la
préface de son Glossaire (Notice des Émaux du Louvre, 2e partie,
1833), il avait expliqué que ce qu’il présentait au public n’était que
le fragment d’un grand dictionnaire dont il développait le but et
le plan, « fondé sur la citation complète des textes, sur la repro-
duction exacte des monuments ». Ce dictionnaire ne parut jamais,
et nous ne possédons de M. de Laborde que ce petit Glossaire borné
aux monuments du Louvre, et destiné à les expliquer aux visi-
teurs. Ce fut vers la même époque que Viollet-le-Duc commençait
la publication de son Dictionnaire du Mobilier, qui fut, bien plus
qu’un recueil de documents, une série de commentaires, et dont,
depuis lors, M. Henri Havard ne fit que reprendre, en les éten-
1. MM. le baron Edmond de Rothschild, Tenaille, Jules Maciet, Peytel, Théo-
dore Reinach, Jacques Slein, Alfred André, Jules Bruneau.
4e PÉRIODE.