Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 4.1910

DOI Heft:
Nr. 1
DOI Artikel:
Reinach, Théodore: L' inscription du "retable de l'Agneau" des frères van Eyck
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.24874#0017

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
10

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

L’église cathédrale qui renferme la chapelle de Josse Vyd porte
aujourd’hui le nom de Saint-Bavon, d’après une ancienne abbaye
voisine de Gand qui fut supprimée en 1540 par Charles-Quint pour
des raisons stratégiques et dont il transféra le chapitre dans notre
église, devenue cathédrale en 1559. Jusque-là celle-ci était une
simple église paroissiale placée sous le vocable de Saint-Jean. Le
docteur Münzer en 1495, le cardinal Luigi d’Arragona en 1517,
Albert Dürer en 1521, placent tous le retable dans l’église de Saint-
Jean sans autre précision. Mais nous savons d’ailleurs qu’il s’agit
de Saint-Jean-Baptiste1. Toutefois le culte de son homonyme
l'Evangéliste a dù, semble-t-il, être associé au sien, et surtout il y
lieu de croire que la chapelle de Josse Vyt était spécialement consa-
crée à ce dernier saint2. On ne comprendrait guère autrement
que les statues des deux saints Jean figurent, à l’exclusion de toute
autre, sur les volets du polyptyque, dont le sujet principal est
d’ailleurs emprunté à divers chapitres de Y Apocalypse de l’apôtre
Jean (ch. v, vii et xm). Or l’Église romaine célèbre deux fêtes de cet
apôtre : l’une le 27 décembre (6 cal. jan.), jour présumé de sa nais-
sance, l’autre le 6 mai (prid. non. maias), anniversaire du jour où,
d’après une légende fameuse, il aurait, sur l’ordre de Domitien,
été jeté, près de la Porte Latine de Rome, dans une chaudière d’huile
bouillante de laquelle il sortit intact et rajeuni, « purior et vege-
tior qucim intraverat », suivant la naïve expression du Martyrologe.
N’est-il pas possible que le 6 mai ait été choisi pour l’inauguration
du retable de Y Agneau parce que cette date coïncidait avec la fête
du « martyre manqué » de saint Jean l’apôtre, patron de la cha-
pelle et patron du peintre qui avait achevé le tableau? Car je ne
doute pas, quoi qu’on en ait dit, que l’inscription où il se donne
pour le second dans son art, et s’efface devant le souvenir de son
frère mort six ans auparavant, (18 septembre 1426), n’ait été, sinon
rédigée, du moins inspirée par Jean van Eyck : le grand artiste a
su exprimer là avec autant de fierté que de modestie la conscience
qu’il avait à la fois de la grandeur et des limites de son talent.

THÉODORE REINACH

1. Voir F. Gœtghebuer, L’Éijlise cathédrale de Saint-Bavon à Gand (dans le Magasin
littéraire et scientifique, Gand, 1888, I, p. 24 et 39) et, pour les textes des voyageurs,
Wauters, op. cit., p. 21 etsuiv. M. Hymans, me signale encore un travail spécial du
chanoine van der Gheyn, de la cathédrale de Gand, sur l’histoire de cette église.

2. Elle est appelée « chapelle de Saint-Jean » dans l’intitulé de la fameuse
poésie composée en 1339 par Lucas de Heere à l’éloge de Jean van Eyck (Der Hof
en Boomgaerd der Poesien, lo6ü, p. 33).
 
Annotationen