L’ESTAMPE SATIRIQUE ET LA CARICATURE EN FRANCE 279
bien la marque de l’esprit parisien. Gravelot doit rester classé parmi
nos maîtres satiriques.
Les confessions d’artistes : Fragonard. — Son talent s’apparente à
celui de Gabriel de Saint-Aubin et de Cochin, qui avaient l’habitude
de s'inspirer du spectacle des menus incidents de leur existence, et
mettaient dans leur œuvre le sourire de la vie des gens à laquelle
la leur se trouvait mêlée. Les plus curieux de ces crayonnages sont
ceux de Fragonard, faits à la diable et jetés sur le papier dans un
moment où la pensée s’envole. Tels sont les croquis1 qu’il prit à
Cassan, où il se représente le crayon à la main, dessinant son hôte,
le receveur général des Finances de Montauban, Bergeret de Grand-
cour. Il y a près de cent cinquante dessins qui représentent comi-
quement les épisodes de la vie commune de tous les jours; l’ai-
mable Frago y apparaît comme un farceur bien drôle lorsqu’il
raconte l’histoire d’une de ses entorses. Dans un croquis, on le voit
tombant : M. Frago qui se trompe de porte et tombe dans un endroit
où il n’y avait point de chaise percée et se fait une entorse cruelle
à 8 h. et demie et 5 secondes.
Dans un autre, des dames lèvent les bras au ciel de surprise
Retour des dames à 10 heures, effets douloureux et bien doux pour
l'aimable Frago. Le voici couché sur un lit: Situation d’ordonnance
pour 15 jours.
Sur une autre feuille, c’est une enfilade de gens, et au-dessus :
Confidences de Frago à sa femme à 8 h. et demie.
Ces dessins2 offrent une parenté incontestable avec ceux de Le
Bas. Ce sont des artistes qui ne crayonnent pas par considération
pour la postérité : ils veulent simplement écrire leurs confessions.
Les pochades d’atelier : Jacques de Favanne. — Mais aujourd’hui,
on sent quel intérêt présente pour nous l’histoire de leur vie racontée
gens se battent autour d’un nid de serpents, avec une femme qui pleure au premier
plan. (Sans nom de dessinateur ni de graveur.) Il faut encore signaler dans son
œuvre la pièce intitulée Le Concert-, le dessin fut gravé à l’eau-forte par S. Non.
Un groupe d’amateurs fait de la musique avec un enthousiasme comique ; cette
fureur de la musique se manifeste par leurs altitudes grotesques : le batteur de
mesure frappe du pied, les violons se démènent avec rage, un abbé racle une
basse devant un auditoire de jeunes femmes portant un bouquet au corsage.
L Ces croquis appartiennent au vicomte de la Girennerie.
2. A la vente Walferdin, du 12 au 16 avril 1880. Sous le n° 269 (6° à 9°) figuraient
encore 4 caricatures de Fragonard, et sous le n° 273, 11 dessins pour La Folie
Beaujon et La Famille Bergeret.
bien la marque de l’esprit parisien. Gravelot doit rester classé parmi
nos maîtres satiriques.
Les confessions d’artistes : Fragonard. — Son talent s’apparente à
celui de Gabriel de Saint-Aubin et de Cochin, qui avaient l’habitude
de s'inspirer du spectacle des menus incidents de leur existence, et
mettaient dans leur œuvre le sourire de la vie des gens à laquelle
la leur se trouvait mêlée. Les plus curieux de ces crayonnages sont
ceux de Fragonard, faits à la diable et jetés sur le papier dans un
moment où la pensée s’envole. Tels sont les croquis1 qu’il prit à
Cassan, où il se représente le crayon à la main, dessinant son hôte,
le receveur général des Finances de Montauban, Bergeret de Grand-
cour. Il y a près de cent cinquante dessins qui représentent comi-
quement les épisodes de la vie commune de tous les jours; l’ai-
mable Frago y apparaît comme un farceur bien drôle lorsqu’il
raconte l’histoire d’une de ses entorses. Dans un croquis, on le voit
tombant : M. Frago qui se trompe de porte et tombe dans un endroit
où il n’y avait point de chaise percée et se fait une entorse cruelle
à 8 h. et demie et 5 secondes.
Dans un autre, des dames lèvent les bras au ciel de surprise
Retour des dames à 10 heures, effets douloureux et bien doux pour
l'aimable Frago. Le voici couché sur un lit: Situation d’ordonnance
pour 15 jours.
Sur une autre feuille, c’est une enfilade de gens, et au-dessus :
Confidences de Frago à sa femme à 8 h. et demie.
Ces dessins2 offrent une parenté incontestable avec ceux de Le
Bas. Ce sont des artistes qui ne crayonnent pas par considération
pour la postérité : ils veulent simplement écrire leurs confessions.
Les pochades d’atelier : Jacques de Favanne. — Mais aujourd’hui,
on sent quel intérêt présente pour nous l’histoire de leur vie racontée
gens se battent autour d’un nid de serpents, avec une femme qui pleure au premier
plan. (Sans nom de dessinateur ni de graveur.) Il faut encore signaler dans son
œuvre la pièce intitulée Le Concert-, le dessin fut gravé à l’eau-forte par S. Non.
Un groupe d’amateurs fait de la musique avec un enthousiasme comique ; cette
fureur de la musique se manifeste par leurs altitudes grotesques : le batteur de
mesure frappe du pied, les violons se démènent avec rage, un abbé racle une
basse devant un auditoire de jeunes femmes portant un bouquet au corsage.
L Ces croquis appartiennent au vicomte de la Girennerie.
2. A la vente Walferdin, du 12 au 16 avril 1880. Sous le n° 269 (6° à 9°) figuraient
encore 4 caricatures de Fragonard, et sous le n° 273, 11 dessins pour La Folie
Beaujon et La Famille Bergeret.