Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (4. Pér. 4.1910)

L’HAU SSMANNISATION DE PARIS

363

client de la tour Saint-Jacques, mais que les contemporains
d’Haussmann comparaient à la tige d’un huilier gigantesque.

Quel parti merveilleux eût-il pu tirer, au lieu de ses repères
artificiels, en utilisant les beautés monumentales ou naturelles
dignes d’être conservées, qui eussent donné à ses tracés des inflexions,
des ressauts, des angles rentrants ou sortants, des coudes, des jeux
d’ombre et de lumière, du pittoresque, de la vie! Rien de tout cela
ne l’eût empêché de faire ses voies aussi larges que possible. Gomme
l’a formulé Camillo Sitte, « il n’est pas du tout nécessaire de

Cliché Giraudon.

LA MAIRIE DU Ier ARRONDISSEMENT ET SON BEFFROI GOTHIQUE

renoncer à toutes les splendeurs de l’art et de renier toutes les
expériences du passé. L’intensité de la circulation moderne pas
plus que les exigences de l’hygiène ne nous y contraignent1 ».

N’allons pas cependant trop loin dans la critique. De l’ensemble
de l’œuvre d’IIaussmann se dégage malgré tout une réelle im-
pression de force, de richesse, d’énergie vitale. Le célèbre préfet
« voyait grand ». C’est lui qui répondait à Ilittortf, lui proposant
de donner 40 mètres à l’avenue du Bois : « Entendu! mettez-en
120! » Si l’on peut lui reprocher de n’avoir pas compris la place
urbaine, la grande place de décoration et de repos, telle que ses
devanciers lui en avaient laissé de si beaux modèles, s’il a amoindri

1. Camillo Sitte, L’Art, de bâtir les villes (trad. par Camille Martin); Paris,
Laurens, 1902.