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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 7.1912

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Nr.1
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Castagnary, Jules-Antoine: Fragments d'un livre sur Courbet, 3
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https://doi.org/10.11588/diglit.24884#0028

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

soleil, ses fourrés et ses éclaircies, ses bruits et ses silences, eut
pour lui des attirances singulières.

Chasseur autant que peintre, il interrompit plus d’une fois
l’étude commencée pour saisir le fusil et abattre quelque pièce
au passage. Ces exploits sont marqués dans une séide de chefs-
d’œuvre qui suffiraient à faire la gloire de plusieurs peintres. Biche
forcée sur la neige1, le Cerf à l'eau. les Braconniers, la Curée, que les
Américains ont payé dix mille dollars et placée au cercle de Boston,
XHallali du cerf, du musée de Besançon, paysage panoramique à
fond de neige, où un coup de fouet gigantesque fait taire la meute
hurlante et domine toute la scène. C'étaient là les joies de l’hiver ;
à l’automne, il vit les cerfs en rut se précipiter l’un contre l’autre,
tête baissée, pendant que la biche, objet et prix de ce duel à mort,
s’enfuit éperdue : le Combat de cerfs, dont le succès fut si grand
au Salon de 1861, traduit cette émotion. Il suivit la piste des che-
vreuils, et, à travers la feuillée, retenant son souffle, il aperçut
l’asile ignoré où ces charmants animaux établissent leur refuge et
abritent le fruit de leurs amours : ce fut le sujet de la Bemise des
chevreuils, dont l’apparition au Salon de 1866 excita une admiration
unanime.

La mer lui fut aussi l’occasion de nombreux triomphes. Nageur
plus encore que chasseur, il l’aimait pour elle-même; mais il n’ou-
bliait jamais que l’espace vide occupe plus de place que l’espace
plein, et du premier coup il trouva la proportion vraie à établir
entre les trois éléments du tableau : la terre, l’eau, le ciel. Sauf
dans quelques marines spéciales, comme cette admirable Mer
orageuse du Salon de 1870, qui est aujourd’hui au Louvre, c’est
presque toujours le ciel qui fait le sujet du tableau. Dans ces
brumes, ces pluies, ces rayons, tous ces mouvements de l’atmo-
sphère, son couteau à palette se joue avec une agilité surprenante:
à Trouville, un été, il fit trente marines en trente jours, ne tra-
vaillant guère qu’une heure ou deux chaque après-midi.

Courbet ne serait pas le grand peintre que nous admirons s’il
n’était venu lutter à son tour contre les difficultés de la chair. Car
« c’est la chair qu’il est difficile de rendre, c’est ce blanc onctueux,
égal, sans être pâle ni mat; c’est ce mélange de rouge et de bleu
qui transpire imperceptiblement; c’est le sang, la vie, qui font le
désespoir du coloriste. Celui qui a acquis le sentiment de la chair

1. Y. Gazette clés Beaux-Arts, 1889, t. II, p. 600.
 
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