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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5. Pér. 4.1921

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Nr. 1
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Bouyer, Raymond: Luc-Olivier Merson (1846 - 1920)
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https://doi.org/10.11588/diglit.24942#0051

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

refléteront dorénavant dans les tableaux de chevalet du peintre, les grandes
compositions du décorateur et les vignettes de l’illustrateur.

« La peinture est fille de la terre et le poème du nu remonte à l’Olympe...
Le temps n’est plus des ravissements de Fiesole » : à ces affirmations des
contemporains de Courbet, qui proscrivait plus brutalement la peinture de
l’invisible et des anges, on dirait que le peintre ait voulu donner un double
démenti quand il confiait une jolie pensée d’humaniste ou de croyant à
ses petits cadres où le beau songe antique alterne avec la foi bretonne ; son
imagination, naturellement tempérée par une pointe d’ironie et toujours
contenue par la science acquise, préfère les petits poèmes aux lyriques envo-
lées de la Chimère dont une de ses dernières toiles nous peindra naïvement
la mort1 ; et c’est encore la minutieuse ingéniosité des « néo-grecs » qui
compose Le Sacrifice des poupées, L’Amour au Jugement de Paris et ses nus
exquis : Diane chasseresse (i 878) ou L’Eveil du printemps ( 1884)- Le nu, dans
l’œuvre de Merson, n’est pas une vision symbolique isolée dans un désert
pâle ou dans une sombre grotte qu’émaillent de mystérieuses floraisons de
rubis et d’émeraudes : tout autre apparaît au regard du souvenir la fluette
Espérance de Puvis de Chavannes ou la marmoréenne Galatée de Gustave Mo-
reau ; la nature vernale fleurit en détails menus autour de la blancheur
nacrée de la chair, et le paysage a des suavités d’enluminure : délicatesse
originale d’atmosphère et de contour, que nous retrouverons à l’Opéra-
Comique et dans l’illustration des Trophées.

A ce parfum d’anthologie syracusaine répond une brise embaumée de
pieuse légende qui nous conduit, dans l'unité d’une pure lumière, de Tliéo-
crite à saint François d’Assise ; aux Fioretti di San Francesco sont emprun-
tées d’édifiantes images : Le Loup d’Agubbio (disons, plus correctement, de
Gubbio) (1878), Saint François parlant au dit loup, petit tableau de la col-
lection Charles Hayem, et Saint François d’Assise prêchant aux poissons
(1881), dont les connaisseurs ont comparé l’onction crépusculaire avec le
meme sujet lourdement traité par Bœcklin. A la Légende dorée de Jacques
de Voragine, où Delaunay, déjà, puisait au Salon de 18Gg sa saisissante évo-
cation de La Peste à Rome, appartient Saint Isidore laboureur (187g), priant
tandis qu’un ange lumineux conduit au loin sa charrue... Et quelle touchante
invention que VAngelo pittore de 1884, l’ange qui tient les pinceaux pen-
dant le sommeil de fra Beato Angelico sur son échafaudage monumental !

Un rajeunissement discret, souriant et familier de la haute peinture reli-
gieuse: voilà le sentiment que suggère L’Arrivée à Bethléem ( 1885), si sobre-

1. La Mort de la Chimère, exposée à l’unique Exposition des Pompiers dont Luc-Olivier
Merson avait spirituellement accepté la présidence (janvier 1912).
 
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