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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5. Pér. 4.1921

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Nr. 5
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Brière-Misme, Clotilde: Un Pieter de Hooch inconnu au musée de Lisbonne
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https://doi.org/10.11588/diglit.24942#0369

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

à New-York. Si l’on compare notre tableau au Messager, daté de 1670. au
Rijksmuseum d’Amsterdam, il semble à peu près contemporain, plutôt un
peu antérieur à cause de la technique plus ample.

Faut-il maintenant troubler notre plaisir par de tristes réflexions? Déjà
ce n’est plus ici la simplicité d’effet des œuvres précédentes. Nous voyons
s’établir les deux sources lumineuses, la fenêtre et la porte, qui devien-
dront plus tard des rivales, nuisibles à la cohésion du tableau (Concerts
de Copenhague et de Stockholm, de la collection Cook, etc.). Le musicien
dont la mission plastique était magistralement remplie à la National Gallery
dans les Buveurs et dans la Cour par une femme vue de dos, en veste de
velours noir, est trop proche de nous, un peu lourd. On sent que les
trouvailles des années heureuses tendent à se figer en formules. La cou-
leur devient, dans les costumes, plus diaprée et plus claire. La technique
elle-même, avec les traits et les points empâtés des rubans et des broderies,
avec les rehauts rouges des lèvres et les ombres bleutées des visages, contient
les germes de poncifs qui se formuleront dans les Parties de musique,
les Collations des dernières années. De plus en plus ambitieuses, celles-ci
se passent en des lieux d’une opulence solennelle avec leurs murs à pilastres,
leurs péristyles à colonnes. Les invités, gênés, perdent la vivacité de leurs
expressions, le naturel de leurs allures (Concerts de Berlin, de Copenhague,
de la vente Yerkes, delà collection Cook). Chez toutes, pourtant, survit en
certains « morceaux » délectables une sensibilité étouffée par la convention.

Pieter de Hooch est-il à blâmer de s’être abandonné à un courant dangereux
alors que son âge n’était point celui de la défaite? Il fit à quarante-sept ans, en
1677, la Collation de la National Gallery qui n’émeut plus que par le souvenir
de son talent. — Est-il à plaindre, plutôt? Il fallait être comme Rembrandt une
« force fatale » pour braver, en n’écoutant que son inspiration, la défaveur
et la misère. Les artistes hollandais, trop nombreux, dans un pays démo-
cratique où ils avaient à faire non à des mécènes éclairés, mais à une foule
mêlée et soucieuse de ses deniers, étaient esclaves de la clientèle. Des
travaux comme ceux de M. Martin sur Gérard Dou, les textes publiés
fréquemment dans Oud-Holland, renseignent sur la vulgarisation du tableau,
devenu denrée commune, article de kermesse. Comment s’étonner que
Pieter de Hooch, peintre indépendant lorsqu’il était valet de chambre à
Delft, ait abdiqué ses goûts lorsqu’à Amsterdam il dut vivre de son art? C’est
une revanche pour sa mémoire quand reparaît, comme aujourd’hui, une
toile où il se livre, d’autant plus précieuse peut-être qu’elle est parmi les der-
nières qu’il dut aimer.

CLOTILDE MISME
 
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