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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5. Pér. 11.1925

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Nr. 5
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Marguery, Henry; Thoré, Théophile [Honoree]; Thoré, Théophile [Oth.]: Un pionnier de l'histoire de l'art: Thoré-Bürger, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24945#0338

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

3 oo

Il retourne chez sa mère pendant un moment et le 10 avril 1860 envoie à
Delhasse un bonjour de La Flèche. Il termine alors une affaire d’édition
avec Elhiou sur Le Louvre, affaire qui n’eut du reste pas de suite.

Il s’installe, enavril, boulevard Beaumarchais, 551, au sixièmed’une maison
qui existe encore et jouit d’une terrasse qu’il baptise : « belvedère ». « Venez,
— écrit-il à Delhasse — nous causerons sur ma terrasse qui sera feuillue et
d’où l’on voit Saint-Denis et les hauteurs de l’Est. Mon logis est délicieux, et
je vais y vivre en solitude comme chez Catherine. Je n’ai encore vu personne,
je commence par me remettre dans les choses, les hommes viendront après. »

Thoré reprend peu à peu contact avec ses amitiés d’avant l’exil ; à Théo-
dore Rousseau il envoie ce billet2 : « Bonjour mes amis, bonjour à vous,
voici, cher Théodore, le premier volume de mes musées de Hollande, car
tu ne trouveras chez Sensier que le second avec les trésors d’art de Man-
chester... Si vous avez une demi-heure d’avance en allant au chemin de
fer, montez en passant à mon sixième étage, je reste tout le jour chez moi.
Bonne santé et au revoir. Thoré-Bürger. »

A. Sensier raconte dans son ouvrage sur Th. Rousseau la première ren-
contre qui eut lieu entre les deux camarades d’autrefois. Thoré se rend à
Barbizon et Rousseau le reçoit comme un frère ; sans nouvelles l’un de
l 'autre pendant dix ans, ils se reconnaissent à peine ; ces deux hommes qui
avaient eu jadis une âme commune parlent maintenant des langages diffé-
rents. On cause, Thoré qui a beaucoup vécu au dehors, qui s’est aéré,
étonne Rousseau et Millet, son voisin, qui, eux, en sont encore aux idées
de leur jeunesse. Il parle des chefs-d’œuvre qu’il a vus, des recherches
d’archives qu’il a faites, il expose des idées neuves où la sensibilité se dis-
simule sous l’érudition ; mais on ne se comprend plus, et la discussion
s’envenime presque quand on aborde l’esthétique.

Thoré s’en retourne déçu, et dit à Sensier quelques jours plus tard :
« Savez-vous qu’ils sont terribles, Millet et Rousseau? je les ai trouvés
comme des rocs, ils ont des idées inamendables, ils sont là comme deux
fakirs, et rien ne fait modifier une seule de leurs idées. Quels farouches
bonshommes ! » Et Sensier, qui ne paraît pas avoir compris non plus,
ajoute que « Thoré dépaysé s’enfonça plus que jamais dans l’École des
chartes de la peinture..., son ardeur militante était passée... La peine en
avait fait plus que des revenants, elle les a frappés à la tête : partis proscrits
ils rentrent émigrés. » Une lettre de Millet, publiée par P. Mantz3, montre

1. Lettre à Delliasse, 20 avril 1860.

2. Publié par Sensier, p. 24g.

3. A. Sensier, La vie et l'œuvre de J.-F. Millet. Manuscrit publié par P. Mantz. Paris,
Quanlin, 1881.
 
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