UN PIONNIER DE L’HISTOIRE DE L’ART: TIIORÉ-BÜRG ER 311
Decamps et Delacroix sont-ce des peintres décidément? Les reconnaître et
les consacrer, ce n’est pas malin à présent. »
Il serait judicieux de remarquer ici que les convictions politiques de
Thoré ont eu malgré lui un retentissement sur son idéal artistique. « Jadis,
ajoute-t-il1, on faisait de l’art pour les dieux et pour les princes. Peut-être
que le temps est venu de faire « l’art pour l’homme » : ainsi pensait le citoyen
Thoré et W. Bürger trouve qu’il n’a pas tort. » C’est là peut-être un point
faible et qui aurait provoqué
la verve d’un Larroumet qui
écrit « ...mais il faut se méfier
de Thoré, il appartient à une
catégorie d’esprits systémati-
ques et confus qui, ne sachant
pas bien ce qu ils veulent, pré-
tendent l’imposer au com-
plet2. »
A cette époque Thoré sacri-
fie à la mode du temps par
un style assez différent de celui
que nous connaîtrons plus
tard; il s’en plaisantera lui-
même. « L’idéal s’y balance
dans des phrases nuageuses.
C’était la mode littéraire. Us
ne savaient trop ce qu’ils vou-
laient dire avec ces mots am-
phigouriques, mais on trouvait
que ça faisait bien. On se préoc-
cupait moins de la précision de
la pensée que de l'éclat du langage. Etre artiste en style, ce fut la manie de
toute cette génération 3. »
La vérité sur l'excellence de sa critique a été exprimée par Henri Martin
dans un discours qu’il prononça sur sa tombe : « ...Il fut un des rares écri-
vains qui eurent le secret de la critique vivante dans les Beaux-arts, de la
critique qui ne dissèque ni ne décompose, mais qui s’identifie avec les œuvres
qu’elle interprète et en manifeste pour ainsi dire l ame. »
(La suite prochainement ) h. marguery
1. W. Bürger, préface aux Salons de Tlioré, p. ix.
2. Larroumet, Revue des Deux-Mondes, décembre 1892, p. 802.
3. W. Bürger, préface aux Salons de Thoré, p. x.
HENRI ROCHEFORT
LITHOGRAPHIE DE NERAUDAU
Decamps et Delacroix sont-ce des peintres décidément? Les reconnaître et
les consacrer, ce n’est pas malin à présent. »
Il serait judicieux de remarquer ici que les convictions politiques de
Thoré ont eu malgré lui un retentissement sur son idéal artistique. « Jadis,
ajoute-t-il1, on faisait de l’art pour les dieux et pour les princes. Peut-être
que le temps est venu de faire « l’art pour l’homme » : ainsi pensait le citoyen
Thoré et W. Bürger trouve qu’il n’a pas tort. » C’est là peut-être un point
faible et qui aurait provoqué
la verve d’un Larroumet qui
écrit « ...mais il faut se méfier
de Thoré, il appartient à une
catégorie d’esprits systémati-
ques et confus qui, ne sachant
pas bien ce qu ils veulent, pré-
tendent l’imposer au com-
plet2. »
A cette époque Thoré sacri-
fie à la mode du temps par
un style assez différent de celui
que nous connaîtrons plus
tard; il s’en plaisantera lui-
même. « L’idéal s’y balance
dans des phrases nuageuses.
C’était la mode littéraire. Us
ne savaient trop ce qu’ils vou-
laient dire avec ces mots am-
phigouriques, mais on trouvait
que ça faisait bien. On se préoc-
cupait moins de la précision de
la pensée que de l'éclat du langage. Etre artiste en style, ce fut la manie de
toute cette génération 3. »
La vérité sur l'excellence de sa critique a été exprimée par Henri Martin
dans un discours qu’il prononça sur sa tombe : « ...Il fut un des rares écri-
vains qui eurent le secret de la critique vivante dans les Beaux-arts, de la
critique qui ne dissèque ni ne décompose, mais qui s’identifie avec les œuvres
qu’elle interprète et en manifeste pour ainsi dire l ame. »
(La suite prochainement ) h. marguery
1. W. Bürger, préface aux Salons de Tlioré, p. ix.
2. Larroumet, Revue des Deux-Mondes, décembre 1892, p. 802.
3. W. Bürger, préface aux Salons de Thoré, p. x.
HENRI ROCHEFORT
LITHOGRAPHIE DE NERAUDAU