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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
scène qui se déroule dans le fond du paysage que l’on aperçoit par cette
ouverture. Elle prouverait, s’il en était besoin, que le personnage représenté
est bien Jean de Médicis dont elle commémore un tour de force demeuré
légendaire. Aussi hardi cavalier que vaillant homme de guerre, ce dernier,
à la suite d’une gageure, avait un jour gravi, à cheval, un escalier long et
roide ; on le voit dans le lointain accomplissant son dangereux exploit.
Et maintenant, quel peut être l’auteur du portrait de Turin ? Ici encore,
c’est l’armure qui va nous répondre. Le fait qu’elle appartenait à Cosme Ier
indique clairement que la commande vient de lui, et du moment qu’elle
vient de lui, il est évident qu’il s’est adressé pour cette commande à son
peintre attitré, le Bronzino. Mous avons déjà vu ce dernier peignant deux
portraits du Duc, celui du Palais Pitti, et celui de la Galerie de Berlin, dans
lesquels Cosme porte l’armure du tableau de Turin ; mais, à côté de ces
deux-là, le Bronzino en a fait bien d’autres du même personnage. Citons
entre autres un portrait à l’Académie de Florence, encore avec la même
armure et la môme pose ; un autre au Musée des Offices, avec même armure
toujours, mais s’arrêtant aux épaules. Bronzino, qui avait peint plusieurs
fois cette armure, était donc tout désigné pour faire, avec ce même harnois,
le portrait de Jean des Bandes noires que désirait son fils.
Le Bronzino, au reste, travailla presque toute sa vie pour son protecteur
Cosme de Médicis et il exécuta d’innombrables portraits de tous les membres
de sa famille. En 1553 il figurait encore sur le rôle des personnes aux gages
du Duc de Florence1.
Tout d’ailleurs décèle le faire de cet éminent portraitiste dont une des
qualités maîtresses était précisément la minutieuse exactitude avec laquelle il
traitait les costumes en général et les costumes de guerre en particulier. Nul
ne l’a surpassé dans l’art de peindre les armures, et il est tels de ses portraits,
le Stefano Colonna de la Galerie Corsini, par exemple, qui sont à ce point
de vue des chefs-d’œuvre inégalables. Enfin le rapprochement des trois
portraits, qui nous a déjà montré dans les trois tableaux la même armure,
trahit si évidemment aussi la même main qu’il paraît inutile de chercher
une autre preuve.
CH. BUTTIN
i. Ruolo degli stipendiati délia Corte Medicea nell’ anno 1554 : « N° n5. Agnolo di
Gosimo, detto il Bronzino, pittore » (Firenze, Archivio di stato, Depositeria, Salariaii,
Reg° n° 393).
Cf. Cosimo Conti : La prima Reggia di Cosimo 1° de Medici nell Palazzo délia Signoria,
p. 273. — Firenze, G. Pellas, i8g3.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
scène qui se déroule dans le fond du paysage que l’on aperçoit par cette
ouverture. Elle prouverait, s’il en était besoin, que le personnage représenté
est bien Jean de Médicis dont elle commémore un tour de force demeuré
légendaire. Aussi hardi cavalier que vaillant homme de guerre, ce dernier,
à la suite d’une gageure, avait un jour gravi, à cheval, un escalier long et
roide ; on le voit dans le lointain accomplissant son dangereux exploit.
Et maintenant, quel peut être l’auteur du portrait de Turin ? Ici encore,
c’est l’armure qui va nous répondre. Le fait qu’elle appartenait à Cosme Ier
indique clairement que la commande vient de lui, et du moment qu’elle
vient de lui, il est évident qu’il s’est adressé pour cette commande à son
peintre attitré, le Bronzino. Mous avons déjà vu ce dernier peignant deux
portraits du Duc, celui du Palais Pitti, et celui de la Galerie de Berlin, dans
lesquels Cosme porte l’armure du tableau de Turin ; mais, à côté de ces
deux-là, le Bronzino en a fait bien d’autres du même personnage. Citons
entre autres un portrait à l’Académie de Florence, encore avec la même
armure et la môme pose ; un autre au Musée des Offices, avec même armure
toujours, mais s’arrêtant aux épaules. Bronzino, qui avait peint plusieurs
fois cette armure, était donc tout désigné pour faire, avec ce même harnois,
le portrait de Jean des Bandes noires que désirait son fils.
Le Bronzino, au reste, travailla presque toute sa vie pour son protecteur
Cosme de Médicis et il exécuta d’innombrables portraits de tous les membres
de sa famille. En 1553 il figurait encore sur le rôle des personnes aux gages
du Duc de Florence1.
Tout d’ailleurs décèle le faire de cet éminent portraitiste dont une des
qualités maîtresses était précisément la minutieuse exactitude avec laquelle il
traitait les costumes en général et les costumes de guerre en particulier. Nul
ne l’a surpassé dans l’art de peindre les armures, et il est tels de ses portraits,
le Stefano Colonna de la Galerie Corsini, par exemple, qui sont à ce point
de vue des chefs-d’œuvre inégalables. Enfin le rapprochement des trois
portraits, qui nous a déjà montré dans les trois tableaux la même armure,
trahit si évidemment aussi la même main qu’il paraît inutile de chercher
une autre preuve.
CH. BUTTIN
i. Ruolo degli stipendiati délia Corte Medicea nell’ anno 1554 : « N° n5. Agnolo di
Gosimo, detto il Bronzino, pittore » (Firenze, Archivio di stato, Depositeria, Salariaii,
Reg° n° 393).
Cf. Cosimo Conti : La prima Reggia di Cosimo 1° de Medici nell Palazzo délia Signoria,
p. 273. — Firenze, G. Pellas, i8g3.