Revue de l'Afrique française et des antiquités africaines (4.1886)

EGYPTE

Egypte! Quels souvenirs, quels regrets ce nom éveille dans
le cœur des Français qui n'enferment pas la France dans les
limites de leur foyer. Comment, dans une Revue qui est consa-
crée à l'étude et à la défense de nos intérêts en Afrique, ne pas
donner une place importante à cette terre où nous avons
imprimé une trace si profonde que les fonctionnaires anglais,
après quatre ans d'administration autoritaire, y sont contraints
d'apprendre notre langue et de demander à la Suisse et à la
Belgique des auxiliaires au courant de notre droit, de nos cou-
tumes; à ce pays où travaille la plus belle de nos Colonies
libres, où nous avons tant d'intérêts matériels, tant d'intérêts
de sentiment ?

Intérêts de sentiment, le mot a été prononcé par les diplo-
mates anglais, au moment où ils mirent la main sur l'Egypte,
oubliant que, si nous faisons souvent les frais d'une expédition
pour un principe, eux ont toujours tiré profit de leurs cam-
pagnes entreprises au nom d'un sentiment.

Mais ceux que nous avons là sont de ceux dont une race
s'honore, qu'elle ne peut sentir dédaigner sans colère.

La France, dont les historiens aiment à célébrer la générosité,
l'apostolat civilisateur, n'a nulle part rempli sa mission avec
plus d'éclat et de fruit que dans la vallée du Nil; il semblait
qu'elle fut i prédestinée à arracher son peuple des ténèbres où
l'avait plongé l'oppression des beys mamelouks : Leibniz deman-
dait à l'héritier du glorieux prisonnier de Mansourab, Louis XIV,
d'y conduh-e ses armées; Louis XV fut l'objet de sollicitations
semblables. Bonaparte, en chassant les beys, rendit l'Egypte à
la vie et à l'histoire ; les savants qui marchaient à sa suite firent
connaître à l'Europe ce qu'elle était dans le présent, et Cham-
pollion découvrit l'horizon immense de son passé.