LA CRUE DU NIL
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L'étui, le cornet phallique devait être un insigne, la marque distinctive d'une race,
quelque chose qui établissait la condition ou le rang de l'individu, comme de nos jours
la longue tresse de cheveux que les Chinois laissent pendre le long de leur dos. Les
Libyens tiennent à ce qu'on le voie; ils ne portent pas de pagne, et leurs longs man-
teaux, faits d'étoffes bigarrées, ne sont pas fermés par devant. Il me semble fort pro-
bable qu'on les enlevait aux prisonniers; cela les faisait déchoir et les ravalait à la
condition d'esclaves ordinaires. C'est le cas pour les prisonniers libyens qu'on amène
à Ramsès III1.
Revenant â la figure d'albâtre que nous avons étudiée en premier lieu (pl. I), je
crois que c'est l'un de ces | V^^l^ IH clu'e^'e ^cn^^ ^a mam- Ce serait donc
un emblème phallique, comme je le disais au début.
Le fait le plus saillant qui me semble ressortir de l'étude de ces figures, c'est la
constatation du caractère africain de la civilisation de l'époque thinite. S'il en est ainsi,
il me semble impossible qu'il n'en soit pas resté des traces dans les mœurs, les arts et
la vie matérielle des Égyptiens, tels que nous les connaissons depuis la IV3 dynastie, et
surtout dans la langue. Nous touchons là un côté de la philologie égyptienne qui, à mon
sens, a été trop négligé. Si le fonds de la population égyptienne était africain, il est
naturel de chercher dans certaines langues africaines, peut-être même jusque dans les
langues bantou, la solution des difficultés qui nous arrêtent encore aujourd'hui, plutôt
que de vouloir d'emblée adapter à la langue égyptienne un cadre sémitique auquel elle
ne se plie que mal2. Sans doute, il y a dans l'égyptien des éléments sémitiques, mais
il y en a aussi d'autres, et plus nous pénétrerons dans ces âges reculés dont nous com-
mençons à entrevoir le caractère et la durée, plus nous nous éloignerons des Sémites,
et de leur influence sur la civilisation égyptienne et sur la langue.
LA CRUE DU JNIL COMMENÇAIT PAR LA CHUTE D'UNE GOUTTE CÉLESTE
par
J. LlEBLEIN
Parmi les graffiti que M. Spiegelberg a trouvés à Biban el-Moluk et dont il a
publié les inscriptions3, il s'en trouve quelques-uns qui sont d'un intérêt particulier pour
la chronologie égyptienne. Ils nous donnent à différentes dates le jour où les eaux du
Nil, m'^J ( J\. M. Spiegelberg traduit ce mot par sinken, et il pense que nos graffiti
indiquent le jour où l'inondation commençait à baisser, à diminuer. La signification
J\ « des-
de « tomber » ou de « descendre » est bien prouvée, par exemple, ra
cendre » du haut de la rive dans la barque. Cependant, je ne crois pas que nous ayons
1. Rosellini, Mon. Stor., pl. 125.
2. Maspero, Recueil, vol. XXI, p. 157.
3. W. Spiegelberg, Zwei Beitrâge sur Geschichte und Topographie der thebanischen Necropolis im
neuen Reich.
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L'étui, le cornet phallique devait être un insigne, la marque distinctive d'une race,
quelque chose qui établissait la condition ou le rang de l'individu, comme de nos jours
la longue tresse de cheveux que les Chinois laissent pendre le long de leur dos. Les
Libyens tiennent à ce qu'on le voie; ils ne portent pas de pagne, et leurs longs man-
teaux, faits d'étoffes bigarrées, ne sont pas fermés par devant. Il me semble fort pro-
bable qu'on les enlevait aux prisonniers; cela les faisait déchoir et les ravalait à la
condition d'esclaves ordinaires. C'est le cas pour les prisonniers libyens qu'on amène
à Ramsès III1.
Revenant â la figure d'albâtre que nous avons étudiée en premier lieu (pl. I), je
crois que c'est l'un de ces | V^^l^ IH clu'e^'e ^cn^^ ^a mam- Ce serait donc
un emblème phallique, comme je le disais au début.
Le fait le plus saillant qui me semble ressortir de l'étude de ces figures, c'est la
constatation du caractère africain de la civilisation de l'époque thinite. S'il en est ainsi,
il me semble impossible qu'il n'en soit pas resté des traces dans les mœurs, les arts et
la vie matérielle des Égyptiens, tels que nous les connaissons depuis la IV3 dynastie, et
surtout dans la langue. Nous touchons là un côté de la philologie égyptienne qui, à mon
sens, a été trop négligé. Si le fonds de la population égyptienne était africain, il est
naturel de chercher dans certaines langues africaines, peut-être même jusque dans les
langues bantou, la solution des difficultés qui nous arrêtent encore aujourd'hui, plutôt
que de vouloir d'emblée adapter à la langue égyptienne un cadre sémitique auquel elle
ne se plie que mal2. Sans doute, il y a dans l'égyptien des éléments sémitiques, mais
il y en a aussi d'autres, et plus nous pénétrerons dans ces âges reculés dont nous com-
mençons à entrevoir le caractère et la durée, plus nous nous éloignerons des Sémites,
et de leur influence sur la civilisation égyptienne et sur la langue.
LA CRUE DU JNIL COMMENÇAIT PAR LA CHUTE D'UNE GOUTTE CÉLESTE
par
J. LlEBLEIN
Parmi les graffiti que M. Spiegelberg a trouvés à Biban el-Moluk et dont il a
publié les inscriptions3, il s'en trouve quelques-uns qui sont d'un intérêt particulier pour
la chronologie égyptienne. Ils nous donnent à différentes dates le jour où les eaux du
Nil, m'^J ( J\. M. Spiegelberg traduit ce mot par sinken, et il pense que nos graffiti
indiquent le jour où l'inondation commençait à baisser, à diminuer. La signification
J\ « des-
de « tomber » ou de « descendre » est bien prouvée, par exemple, ra
cendre » du haut de la rive dans la barque. Cependant, je ne crois pas que nous ayons
1. Rosellini, Mon. Stor., pl. 125.
2. Maspero, Recueil, vol. XXI, p. 157.
3. W. Spiegelberg, Zwei Beitrâge sur Geschichte und Topographie der thebanischen Necropolis im
neuen Reich.