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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 8.1882 (Teil 3)

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Durand-Gréville, Émile: Le portrait d'Amerbach par Holbein
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https://doi.org/10.11588/diglit.19460#0016

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6

L’ART.

Hanns ou Johann Holbein. Mais le musée de Berlin possède un dessin de Holbein le Vieux,
daté de 15 x i, représentant les portraits de ses deux enfants avec l'inscription : « Hanns, 14 »,
au-dessus de la tête de l’un d’eux. Donc Hanns Holbein, à un certain moment de l’année 15 x 1,
avait déjà quatorze ans accomplis.
Au moment où ce dessin fut fait, ses quatorze ans étaient-ils accomplis depuis quelques
jours seulement ou depuis un certain nombre de mois? On n’en sait rien. Le dessin fut-il fait au
commencement ou à la fin de l’année 1511 ? On n’en sait rien non plus. Mais en attendant
quelque document plus affirmatif, il est certain d’ores et déjà que le grand artiste naquit dans le
courant de l’année 1497 ou dans les derniers mois de l’année 1496. C’est donc à l’âge de vingt-
deux ans, vingt-trois tout au plus, qu’il fit le portrait d’Amerbach.
La ressemblance -— qu’il ne faut pas confondre avec le caractère — n’est qu’une qualité de
second ordre au point de vue de l’art pur. Nos journaux illustrés fourmillent de portraits
ressemblants, qui méritent à peine le nom d’œuvres d’art. Mais, en dehors de toute préoccupation
artistique, il peut être fort intéressant pour l’historien ou pour le moraliste, de savoir quelle
figure avaient un Jules II, un Érasme, un Léon X, et, dans une sphère plus modeste, on a le
droit d’éprouver quelque plaisir à connaître les traits de l'homme qui fut en son temps le
premier et le plus chaud protecteur de Holbein.
Boniface Amerbach, fils d’un riche éditeur et très érudit lui-même, avait une vive passion
pour l’art. Il rencontra Holbein au moment où le jeune peintre débarquait d'Augsbourg, plus
riche de talent et d’espérance que d’argent monnayé. Il l’encouragea sans doute d’abord par pur
amour de l’art; il lui commanda des peintures et des dessins. Mais il ne tarda pas à devenir
son ami intime.
Faire le portrait d’un ami, d’un camarade dont on a pu tout à l’aise apprendre par cœur
les traits avec leur expression familière, quelle agréable tâche pour un peintre! On dirait que
l'œuvre dont nous parlons se ressent des heureuses circonstances qui l’ont vue naître. Ce portrait
respire un parfum de jeunesse et d’élégance naturelle, de franchise et de liberté, que nous
retrouverons très difficilement au même degré dans l’œuvre du maître. 11 est vrai que son âge
mûr nous montrera des qualités plus profondes, celles que résume avec une intensité sans pareille
VErasme du Louvre. Mais on éprouve néanmoins une irrésistible admiration, presque une pré-
férence, pour le je ne sais quoi de vaillant qui vit dans ce portrait d'un jeune homme par un
jeune homme. La jeunesse a tant de charmes par cela seul qu’elle existe! Elle n’a qu'à se laisser
voir pour séduire, et même pour se faire tout pardonner, s’il en était besoin ; mais ce n’est pas
le cas.
Avec un peu de bonne volonté, on pourrait reconstruire en quelque sorte, rien que par
l’examen de ce portrait, les circonstances dans lesquelles il fut exécuté. La peinture est d’une
fluidité extrême, sans ressaut, sans reprise apparente; c’est exécuté dans l’huile, dirait un peintre,
et tellement du premier coup, avec une telle transparence, qu’on voit çà et là le panneau à
travers la peinture. D’autre part, la figure est dessinée avec une telle rigueur, qu'on la dirait
frappée comme une effigie sur métal, comme une médaille de Pisanello. Le jeune artiste com-
mença donc par un dessin très arrêté dans ses lignes principales, et du plus ferme caractère ;
puis en une seule matinée, peut-être moins que cela, en deux heures de travail alerte et gai,
aussi vivement que d’autres auraient brossé une simple pochade, il peignit d’une seule venue
cette merveille de modelé.
L’étude achevée, il eut l’idée d’en faire un tableau, et c’est alors seulement qu’il s'occupa
du fond : de nombreuses bavures restées comme témoins prouvent d’une façon irrécusable que
le ciel fut exécuté après la tête.
Le portrait était terminé, fait et parfait. Mais soit par une inspiration malencontreuse, soit
plus probablement pour satisfaire une fantaisie du modèle, Holbein crut devoir suspendre à une
branche de chêne, assez laide et sèchement peinte, une pancarte d’une exécution non moins
dure, sur laquelle il mit l’inscription que nous avons citée. Malgré ce léger défaut, le tableau
reste une des œuvres les plus admirables de ce grand peintre qui a fait tant de chefs-d’œuvre.
 
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