ET DE LA CURIOSITE
83
MM. Haller et Vœlkerling. Il y a chez eux beau-
coup de talent et d’incertitudes.
*
* *
Il n’y aurait rien à dire de l’Exposition des Pein-
tres de montagne, si l’on n’y avait exposé trois
toiles importantes d'Auguste Baud-Bovy (1848-
1899). Le voisinage porte peu à la réflexion : et
pourtant la peinture alpestre ne soulève guère
moins de questions que l’orientalisme lui-même.
Il faut imaginer les comparaisons nécessaires pour
rendre aux tableaux que voici, je ne dis pas leur
valeur, mais leur importance historique. Ayant
porté sur les Alpes son souci de portraitiste,
Baud-Bovy les a dépouillées des éléments pitto-
resques chers à la période romantique, les a con-
sidérées dans leur construction, dans leur archi-
tecture. Dans l’atmosphère claire ou voilée, il les
a sculptées, révélant par la lumière la solidité de
leurs formes dont il connaissait les raisons et les
dessous. Cet art sobre, respectueux, classique, a
écarté le sentimentalisme qui avait jusqu’alors
gêné l’expression de cttee nature très particulière
qui se prête si difficilement à l’interprétation.
M. Laprade a un caractère primesautier. Il jette
sur le papier ou la toile ses impressions ; elles sont
souvent charmantes, et d’un coloriste heureux ; on
est frappé de leur unité. M. Laprade n’ennuie ja-
mais. Fait-il mieux? N’a-t-on pas le droit de de-
mander autre chose que ces improvisations bril-
lantes : une œuvre où l’artiste ferait plus que se
faire deviner? Ou déplore que l’abondance de ce
talent séduisant, savoureux, ne soit qu’en surface
et que l'impression ne soit pas dominée.
Le Salon de « Poil et Plume », organisé avec goût
par M. Pierre-Jan, a un succès de curiosité. On
voit que Verlaine dessine mal; M. Moréas aussi.
Au contraire les petits dessins de Théophile Gau-
tier sont charmants et précis; ceux de Baudelaire,
moins savants, ont beaucoup de caractère. Je ne
dis rien d’Hugo, dont on connaît les lavis surpre-
nants. Beaucoup d’hommes de lettres veulent faire
œuvre de peintres : quelle piètre peinture ! J’excepte
M. Léon Dierx, dont les paysages sont remarqua-
bles. Je retiens encore les curieuses illustra-
tions faites par M. de Lostalot pour les Contes
d’Edgar Poe.
*
* *
Les Landes ont inspiré à M. P.-G. Rigaud d’at-
tachants paysages. Sa science des valeurs, son
goût de l’harmonie l’ont conduit dans nos cathé-
drales et nos églises. Ses intérieurs de Notre-Dame
de Paris et de Notre-Dame de Chartres, avec
1 éclat lumineux et les couleurs riches des grandes
verrières, sont d’un peintre doué.
Adrien Bovy.
Académie des Beaux-Arts
Séance du 6 mars
Subvention. — Lecture est donnée d une- lettre
par laquelle le président du conseil, ministre de
l’Intérieur, informe l’Académie qu’il a accordé, sur
les fonds du produit des jeux, une subvention de
25.000 fr. pour l’établissement du plan en relief de
la Rome antique exécuté par M. Bigot, ancien pen~^
sionnaire architecte de la villa Médicis.,:
Candidatures. — La commission compétente a
dressé-comme suit la liste des candidats au fau-
teuil de membre titulaire de là section de compo-
sition musicale, vacant par suite du décès de M-.
Reyer : en lre ligne, M. Widor ; en 2e ligne, M.-
Fauré ; en 8e ligne, M. Charles Lefebvre ; en 4e li-
gne, M. Pierné ; en 5e ligne, M. Maréchal. A ces
noms, l’Académie a ajouté celui de M. Pessard.
Académie des Inscriptions
Séance du 5 mars
Don d'un document. — M. Adrien Blanchet offre
à l’Académie, pour ses archives, un document qui
intéresse son histoire. C’est une double feuille im-
primée à Paris, chez la veuve d’Antoine Lambin,
quelques semaines aj rès qu’avait été édicté le rè-
glement obtenu par l'abbé Bignon, règlement au-
quel l’Académie des Inscriptions doit, à peu c’e
chose près, la constitution qu’elle a gardée jusqu’à
la Révolution. Cette feuille porte comme titre :
« Au Roy, fondateur et protecteur de l’Académie.,
royale des médailles et des inscriptions. »
Ce document porte en outre un madrigal de six
vers et sur le revers de sa feuille un Sonnet au roy.
Madrigal et sonnet sont des plus médiocres, mais
le permis d’imprimer signé Voyer d’Argenson
suffit à définir le caractère officiel de ce document.
Don d’une collection. — M. Henri Cordier an-
nonce que, faute de place, le Musée d’ethnographie
du Trocadéro n’a pas pu accepter le don, que lui
offrait généreusement le capitaine Berthon, d’une
collection d’antiquités rapportée par lui du Pérou,
et que cet établissement a dû se contenter de faire
un choix des plus belles pièces.
Le reste de la collection ne quittera cependant
pas la France, grâce au dévouement scientifique du
I> Capitan qui s’en est rendu acquéreur dans le but
d’en l'aire bénéficier un jour les musées de l’Etat.
La signature des Primitifs. — M. de Mély
communique à l’Académie un jugement du 27 juin
1457 qui, conformément à l'ordonnance du 1er avril
1426, condamne à l’amende plusieurs enlumineurs,
pour n'avoir pas signé les œuvres qu’ils avaient
mises en vente. Il en résulte non seulement que
les miniaturistes primitifs ont signé leurs œuvres,
mais qu’ils étaient punis quand ils ne le faisaient
pas. Une ordonnance du 21 mars 1500 vint de nou-
veau rendre la chose obligatoire: elle est suivie
des signatures des miniaturistes reçus maîtres,
dans l’année, qui accompagnent leurs noms des
marques qu’ils adoptent.
Grâce à elles, M. de Mély a pu découvrir que
les manuscrits enluminés portent à la première
page, à la place oû les éditeurs mettent main-
tenant leur nom, une marque ou des initiales .-
M. de Mély, dès aujourd’hui, peut déjà en appor-
ter vingt-six.
Les typographes n'ont donc fait que suivre la
tradition des miniaturistes.
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MM. Haller et Vœlkerling. Il y a chez eux beau-
coup de talent et d’incertitudes.
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Il n’y aurait rien à dire de l’Exposition des Pein-
tres de montagne, si l’on n’y avait exposé trois
toiles importantes d'Auguste Baud-Bovy (1848-
1899). Le voisinage porte peu à la réflexion : et
pourtant la peinture alpestre ne soulève guère
moins de questions que l’orientalisme lui-même.
Il faut imaginer les comparaisons nécessaires pour
rendre aux tableaux que voici, je ne dis pas leur
valeur, mais leur importance historique. Ayant
porté sur les Alpes son souci de portraitiste,
Baud-Bovy les a dépouillées des éléments pitto-
resques chers à la période romantique, les a con-
sidérées dans leur construction, dans leur archi-
tecture. Dans l’atmosphère claire ou voilée, il les
a sculptées, révélant par la lumière la solidité de
leurs formes dont il connaissait les raisons et les
dessous. Cet art sobre, respectueux, classique, a
écarté le sentimentalisme qui avait jusqu’alors
gêné l’expression de cttee nature très particulière
qui se prête si difficilement à l’interprétation.
M. Laprade a un caractère primesautier. Il jette
sur le papier ou la toile ses impressions ; elles sont
souvent charmantes, et d’un coloriste heureux ; on
est frappé de leur unité. M. Laprade n’ennuie ja-
mais. Fait-il mieux? N’a-t-on pas le droit de de-
mander autre chose que ces improvisations bril-
lantes : une œuvre où l’artiste ferait plus que se
faire deviner? Ou déplore que l’abondance de ce
talent séduisant, savoureux, ne soit qu’en surface
et que l'impression ne soit pas dominée.
Le Salon de « Poil et Plume », organisé avec goût
par M. Pierre-Jan, a un succès de curiosité. On
voit que Verlaine dessine mal; M. Moréas aussi.
Au contraire les petits dessins de Théophile Gau-
tier sont charmants et précis; ceux de Baudelaire,
moins savants, ont beaucoup de caractère. Je ne
dis rien d’Hugo, dont on connaît les lavis surpre-
nants. Beaucoup d’hommes de lettres veulent faire
œuvre de peintres : quelle piètre peinture ! J’excepte
M. Léon Dierx, dont les paysages sont remarqua-
bles. Je retiens encore les curieuses illustra-
tions faites par M. de Lostalot pour les Contes
d’Edgar Poe.
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Les Landes ont inspiré à M. P.-G. Rigaud d’at-
tachants paysages. Sa science des valeurs, son
goût de l’harmonie l’ont conduit dans nos cathé-
drales et nos églises. Ses intérieurs de Notre-Dame
de Paris et de Notre-Dame de Chartres, avec
1 éclat lumineux et les couleurs riches des grandes
verrières, sont d’un peintre doué.
Adrien Bovy.
Académie des Beaux-Arts
Séance du 6 mars
Subvention. — Lecture est donnée d une- lettre
par laquelle le président du conseil, ministre de
l’Intérieur, informe l’Académie qu’il a accordé, sur
les fonds du produit des jeux, une subvention de
25.000 fr. pour l’établissement du plan en relief de
la Rome antique exécuté par M. Bigot, ancien pen~^
sionnaire architecte de la villa Médicis.,:
Candidatures. — La commission compétente a
dressé-comme suit la liste des candidats au fau-
teuil de membre titulaire de là section de compo-
sition musicale, vacant par suite du décès de M-.
Reyer : en lre ligne, M. Widor ; en 2e ligne, M.-
Fauré ; en 8e ligne, M. Charles Lefebvre ; en 4e li-
gne, M. Pierné ; en 5e ligne, M. Maréchal. A ces
noms, l’Académie a ajouté celui de M. Pessard.
Académie des Inscriptions
Séance du 5 mars
Don d'un document. — M. Adrien Blanchet offre
à l’Académie, pour ses archives, un document qui
intéresse son histoire. C’est une double feuille im-
primée à Paris, chez la veuve d’Antoine Lambin,
quelques semaines aj rès qu’avait été édicté le rè-
glement obtenu par l'abbé Bignon, règlement au-
quel l’Académie des Inscriptions doit, à peu c’e
chose près, la constitution qu’elle a gardée jusqu’à
la Révolution. Cette feuille porte comme titre :
« Au Roy, fondateur et protecteur de l’Académie.,
royale des médailles et des inscriptions. »
Ce document porte en outre un madrigal de six
vers et sur le revers de sa feuille un Sonnet au roy.
Madrigal et sonnet sont des plus médiocres, mais
le permis d’imprimer signé Voyer d’Argenson
suffit à définir le caractère officiel de ce document.
Don d’une collection. — M. Henri Cordier an-
nonce que, faute de place, le Musée d’ethnographie
du Trocadéro n’a pas pu accepter le don, que lui
offrait généreusement le capitaine Berthon, d’une
collection d’antiquités rapportée par lui du Pérou,
et que cet établissement a dû se contenter de faire
un choix des plus belles pièces.
Le reste de la collection ne quittera cependant
pas la France, grâce au dévouement scientifique du
I> Capitan qui s’en est rendu acquéreur dans le but
d’en l'aire bénéficier un jour les musées de l’Etat.
La signature des Primitifs. — M. de Mély
communique à l’Académie un jugement du 27 juin
1457 qui, conformément à l'ordonnance du 1er avril
1426, condamne à l’amende plusieurs enlumineurs,
pour n'avoir pas signé les œuvres qu’ils avaient
mises en vente. Il en résulte non seulement que
les miniaturistes primitifs ont signé leurs œuvres,
mais qu’ils étaient punis quand ils ne le faisaient
pas. Une ordonnance du 21 mars 1500 vint de nou-
veau rendre la chose obligatoire: elle est suivie
des signatures des miniaturistes reçus maîtres,
dans l’année, qui accompagnent leurs noms des
marques qu’ils adoptent.
Grâce à elles, M. de Mély a pu découvrir que
les manuscrits enluminés portent à la première
page, à la place oû les éditeurs mettent main-
tenant leur nom, une marque ou des initiales .-
M. de Mély, dès aujourd’hui, peut déjà en appor-
ter vingt-six.
Les typographes n'ont donc fait que suivre la
tradition des miniaturistes.