LA MAJOLIQUE ET LA PORCELAINE.
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qu’il trouva constamment chez ses divers membres, malgré le sévère
jugement porté par lui sur le cardinal Hippolyte l’ancien ; faveur qui ne
s’arrêta pas aux paroles et dont les effets se traduisirent souvent en de
beaux écus d’or. Il est curieux de remarquer qu’Alphonse, ce nouvel Aga-
thocle, fut probablement alors le premier prince italien qui admit à sa table
la vaisselle de terre à la place de la vaisselle d’argent. Ce fut un trait
regardé alors comme héroïque, et qui ne trouva d’imitateurs que beau-
coup plus tard, lorsque la multiplication des fabriques et les perfection-
nements de l’industrie ne permirent plus de considérer comme chose
mesquine et peu convenable l’usage des plats d’Urbino et de Faenza, dans
lesquels le bon goût et l’art compensaient le défaut de valeur intrinsèque.
Et peut-être faut-il ajouter à cela une autre raison tirée de cette croyance
alors fort répandue et rapportée par Ulysse Aldrovandi, que ces plats de
terre communiquaient aux aliments une saveur plus agréable que ceux
d’argent L
Mais ni Jove, ni ceux qui ont répété ce qu’il a dit, ne nous ont donné
les particularités qui auraient pu servir d’éclaircissement à son récit, et
nous allons essayer de suppléer à leur silence au moyen des quelques
renseignements qui vont suivre.
La résolution de vendre son argenterie et d’y substituer de la vaisselle
de faïence dut être prise par le duc en l’an 1510, lorsque, à la suite de la
guerre que lui fit le pape Jules II, détaché alors de la ligue de Cambrai
et réconcilié avec les Vénitiens, il vit ses États envahis par l’armée du
pontife et celle de l’Espagne, et fut obligé de déployer toutes ses res-
sources pour défendre sa capitale, objet d’attaques de toute sorte de la
part du pape, et suppléer à l’absence des secours que lui avait promis
la France. C’est à ce moment qu’Ilector Bellingeri, son envoyé à Milan,
pouvait bien dire avec raison, le k septembre de la même année, à Chau-
mont d’Amboise, grand maître de France, et au général de Normandie,
que, si le duc perdait ses États, on ne pouvait lui en faire de reproche,
parce qu’il avait fait tout ce qu’il était possible pour les conserver à lui-
même et au roi, et qu’à cet effet « il avait mis ses bijoux en gage, brisé
son argenterie, et même songé à engager une partie de ses États, et jus-
qu’à la personne de ses enfants2. »
Néanmoins, l’introduction de la fabrication de la majolique à Ferrare
est antérieure de plusieurs années à la guerre déclarée par le pape, et
nous en avons rencontré la trace dans les derniers temps de la vie d’ Her-
\. Muséum metallicum. L. II, p. 236, Bononiæ, 1648.
2. Archives diplomatiques de Moderne.
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qu’il trouva constamment chez ses divers membres, malgré le sévère
jugement porté par lui sur le cardinal Hippolyte l’ancien ; faveur qui ne
s’arrêta pas aux paroles et dont les effets se traduisirent souvent en de
beaux écus d’or. Il est curieux de remarquer qu’Alphonse, ce nouvel Aga-
thocle, fut probablement alors le premier prince italien qui admit à sa table
la vaisselle de terre à la place de la vaisselle d’argent. Ce fut un trait
regardé alors comme héroïque, et qui ne trouva d’imitateurs que beau-
coup plus tard, lorsque la multiplication des fabriques et les perfection-
nements de l’industrie ne permirent plus de considérer comme chose
mesquine et peu convenable l’usage des plats d’Urbino et de Faenza, dans
lesquels le bon goût et l’art compensaient le défaut de valeur intrinsèque.
Et peut-être faut-il ajouter à cela une autre raison tirée de cette croyance
alors fort répandue et rapportée par Ulysse Aldrovandi, que ces plats de
terre communiquaient aux aliments une saveur plus agréable que ceux
d’argent L
Mais ni Jove, ni ceux qui ont répété ce qu’il a dit, ne nous ont donné
les particularités qui auraient pu servir d’éclaircissement à son récit, et
nous allons essayer de suppléer à leur silence au moyen des quelques
renseignements qui vont suivre.
La résolution de vendre son argenterie et d’y substituer de la vaisselle
de faïence dut être prise par le duc en l’an 1510, lorsque, à la suite de la
guerre que lui fit le pape Jules II, détaché alors de la ligue de Cambrai
et réconcilié avec les Vénitiens, il vit ses États envahis par l’armée du
pontife et celle de l’Espagne, et fut obligé de déployer toutes ses res-
sources pour défendre sa capitale, objet d’attaques de toute sorte de la
part du pape, et suppléer à l’absence des secours que lui avait promis
la France. C’est à ce moment qu’Ilector Bellingeri, son envoyé à Milan,
pouvait bien dire avec raison, le k septembre de la même année, à Chau-
mont d’Amboise, grand maître de France, et au général de Normandie,
que, si le duc perdait ses États, on ne pouvait lui en faire de reproche,
parce qu’il avait fait tout ce qu’il était possible pour les conserver à lui-
même et au roi, et qu’à cet effet « il avait mis ses bijoux en gage, brisé
son argenterie, et même songé à engager une partie de ses États, et jus-
qu’à la personne de ses enfants2. »
Néanmoins, l’introduction de la fabrication de la majolique à Ferrare
est antérieure de plusieurs années à la guerre déclarée par le pape, et
nous en avons rencontré la trace dans les derniers temps de la vie d’ Her-
\. Muséum metallicum. L. II, p. 236, Bononiæ, 1648.
2. Archives diplomatiques de Moderne.