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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 20.1866

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Nr. 3
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Goncourt, Jules de; Goncourt, Edmond de: Debucourt
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https://doi.org/10.11588/diglit.19277#0203

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DEBUCOURT.

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jouets, de portefeuilles, de saucissons, l’escamoteur et le fruitier, le faïen-
cier et la lingère, sans compter les spectacles forains : la Belle Zulima, et
Judith tranchant la tête d’Holopherne. Mais la gravure ne nous montre que
les numéros 162, 163, 164, 165, 166, étalant sous la main toutes les fri-
volités que vendent les petites Lolo : bijouterie, clincaillerie, éventails,
jarretières, houppes, pouponnes, au milieu desquels vaguement s’aper-
çoivent des silhouettes de petits-collets rajustant leur perruque auprès du
comptoir. Devant les boutiques, c’est ce qu’on appelait « la bigarrure »
du Palais-Royal : le chevalier de Saint-Louis à côté du jeune officier, le
clerc tonsuré auprès du commis, les quadrilles de familles provinciales
et les vieux libertins à lorgnon, l’homme du bel air et le tout neuf dé-
barqué de la turgotinr, tous les allants et les venants de ce grand passage
de l’étranger et de la France, des personnages ridicules, des ligures
hétéroclites, de ces caricatures qu’attrappe et qu’affectionne le crayon
du dessinateur, l’impertinence des petits bouts d’homme faisant jabot,
les élégants à doubles breloques, le manchon sous le bras, se cares-
sant complaisamment le menton, Yanglomanë au tricorne insolent,
cambré dans sa longue redingote à collet rouge, la cuisse dans une
culotte de peau de daim tendue, un fouet de baleine à la main, et
l’éperon d’argent à la botte, des financiers « à col apoplectique, » à
grosses perruques, à cannes à pomme d'or, à souliers carrés, des
farauds campés dans leur habit de chyprieime zébré des rayures au
goût du temps, vertes et jaunes, et boutonné de ces grands boutons
carrés qui portent, d’habitude, les lettres de l’alphabet. Des femmes
passent dans tout cela, à travers tous ces hommes, avec des regards
quêteurs, des provocations, des mots quelles jettent, la bouche ouverte,
aux passants, des signes de doigt qui font une menace ou un appel, des
attaques qu’elles lancent avec un coup d’éventail, des rires quelles
étouffent dans la fourrure de leurs manchons blancs de poils de
mouton de Sibérie... Tableau mouvant comme une optique que « ce
camp des Tartares » au fond duquel rôdent, au bras d’une vieille, ces
jeunesse à jeun qu’on appelle des cherche-dîners. Mais au premier plan
passent les triomphantes, celles qui marchent à côté de la Lalierce, de
la Bacchante, de la Thevenin, de la Sultane et de l’Urange. Celle-ci en
redingote brune, coiffée d’un haut chapeau de feutre, fait son marché,
une badine à la main. L’une, en grande perruque poudrée et lui lloltant
dans le dos à la Conseillère, s’en va, mutine et se rengorgeant dans sa
pelisse bleu de ciel garnie de cygne ; un laquais à la mode du temps la
suit, un de ces ridicules petits jockeys, dont ne peut se passer une
fille, en veste rouge, cheveux courts et rabattus sur le front, tenant
 
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