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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 25.1882

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Nr. 1
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Rhoné, Arthur: Coup d'oeil sur l'état présent du Caire ancien et moderne, 2, Les "embellisement" du Caire
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https://doi.org/10.11588/diglit.24257#0070

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58 GAZETTE'DES BEAUX-ARTS.

forêt sans limites, d’où s’élancaient quelques minarets striés de bandes
jaunes et rosées.

Un peu plus loin, dans l’avenue de droite, on rencontrait le palais
de l’Elfy, l’un des principaux beys mamlouks défaits aux Pyramides,
somptueuse demeure qui, avant de devenir l’hôtel Shepheard, avait été
le quartier général de l’armée française. 11 n’avait pas alors changé com-
plètement de formes et de dispositions, et, non loin de sa porte, sur la
place, on voyait encore l’arbre où Bonaparte venait prendre le café, causer
avec les scheiks et se montrer aux indigènes. Le jardin de l’hôtel a con-
servé le grand arbre sous lequel Kléber, blessé mortellement, vint tom-
ber; mais qu’est devenu cet horizon qui, en 1869, vu du perron, pouvait
encore charmer Théophile Gautier? Sur la gauche, plus d’anciennes mai-
sons à moucharabiehs ; en face, plus aucun de ces arbres énormes parmi
lesquels on reconnaissait « ceux qui avaient posé pour Marilhat, agrandis
encore par le temps écoulé, et garnissant le milieu de la place avec leurs
dômes de feuillage d’un vert si intense qu’il paraissait! presque noir U).

Maintenant tout a disparu, et les fenêtres de Théophile Gautier n’ont
plus pour horizon que l’autre bord d’une rue garnie de maisons à six
étages, où les fantaisies d’un style pseudo-arabe cherchent péniblement
leur place sur des façades dont l’ordonnance toute parisienne n’est pas
faite pour le genre oriental-. Quelques-unes de ces maisons neuves tom-
bent en ruine et sont démolies par ordonnance de police.

Après avoir passé devant le porche de l’ancien harem de Kjamil
pacha, où furent l’habitation officielle et les jardins de Bonaparte et de ses
successeurs, nous retrouvons enfin ce qui reste de l’Ezbékiyéh, mais telle-
ment dénaturé, travesti, que les exilés de l’asphalte doivent ici se sentir
un peu consolés : pour eux, on a enfermé un petit lac, une petite rivière
de Bois de Boulogne dans un grand carré que clôt une grille de fonte et
qu’entoure de trois côtés une rue de Rivoli aux alignements inflexibles.
Seul, à l’horizon, au-dessus des arbres, le pesant fronton du JSew-Hotel,
qui se dessine comme une pyramide, jette un peu de variété et tient lieu
de boussole aux nouveaux venus qui s’égarent infailliblement dans cette
implacable uniformité. 1 2

1. Théophile Gautier, XOrient, II, 191.

2. Comme exemple, on peut citer la façade du Hammam de Paris. Bien que les
détails en soient très-purs, elle produit peu d’effet et ne donne aucune idée de l’archi-
tecture arabe, parce que le programme imposé à l’architecte est le banal et stérile mo-
dèle de la location parisienne : la grande caisse à compartiments pressés dont la face
plate peut être plus ou moins gaufrée sans que l’architecte le plus habile puisse don-
ner carrière à son génie d’invention.
 
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