GAZETTE DES BEAUX-ARTS
25â
peints au vernis très épais pour former des reliefs, tantôt frappés au
pointillé sur la feuille d’or au moyen d’un poinçon taillé en tête,de clou,
en cercle ou en étoile ; les Italiens et les Flamands se sont également
servis de ce procédé. Ailleurs la pièce est recouverte de couleurs dia-
phanes qui laissent transparaître la feuille cl’or comme un paillon ; ou
bien l’artiste enlève les ornements dans la peinture encore fraîche et
met à découvert la couche d’or inférieure. Un de ces peintres-imagiers
les plus habiles, dont le nom ne nous est pas connu, poinçonnait tous
ses bois d’une tulipe frappée au fer chaud; nous connaissons plusieurs
exemplaires de ce poinçon qu'il ne faut pas confondre avec une marque
analogue, en forme de main, également célèbre, mais appartenant à un
atelier flamand. Le maître à la tulipe est Espagnol ; ses figures ont même
une allure, une façon de se coiffer en turban, un je ne sais quoi de mau-
resque d’une saveur très prononcée.
La facture allemande a des traits qui sautent aux yeux tout d’abord :
les figures courtes, trapues, les attitudes violentes, les mains s’allon-
geant maigres, noueuses; un luxe d’ornements compliqués, pittoresques,
fouillés jusqu’au tour de force ; des laideurs de parti pris sauvées par une
imagination et une verve intarissables ; un ensemble mâle, robuste, pas-
sionné, une entente merveilleuse de l’effet, une puissance indiscutable.
Pour bien connaître l’art du bois chez les Allemands, il faut l’étudier sur
place et dans les estampes de Durer, de Virgile Solis, Aldegraver, Mathias
Zundt, Brosamer, Hans Beham, Flynt, Vochter, l’auteur du Liber artifi-
ciosus, etc. Les meubles de la Renaissance allemande sont fort rares en
France : un des plus remarquables est le dressoir fabriqué probablement
pour l’empereur Maximilien et portant l’aigle à deux têtes; ce meuble,
fouillé d’un ciseau hardi et sûr de lui-même, appartient à M. le comte
cl’Yvon et provient de l’ancienne collection Bertaut. La grande table de
chêne peint et doré, placée dans la salle d'armes de M. Spitzer, paraît
être delà même époque; la composition est originale et l’aspect impo-
sant.
Dans la seconde moitié du siècle, le meuble s’alourdit ; l’Allemagne
est restée gothique de cœur, elle résiste à l’invasion italienne et manie le
classique sans conviction.
Mais là où elle est sans rivale, c’est dans les menus objets de buis,
médailles, reliquaires, grains de chapelet, jetons, statuettes, groupes, etc.
Trois vitrines de la collection, contenant cent vingt-trois pièces, sont con-
sacrées à ces chefs-d’œuvre en miniature ; il y a là des petits édicules en
forme de triptyques ou de monstrances, des grains de chapelet ouvragés
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peints au vernis très épais pour former des reliefs, tantôt frappés au
pointillé sur la feuille d’or au moyen d’un poinçon taillé en tête,de clou,
en cercle ou en étoile ; les Italiens et les Flamands se sont également
servis de ce procédé. Ailleurs la pièce est recouverte de couleurs dia-
phanes qui laissent transparaître la feuille cl’or comme un paillon ; ou
bien l’artiste enlève les ornements dans la peinture encore fraîche et
met à découvert la couche d’or inférieure. Un de ces peintres-imagiers
les plus habiles, dont le nom ne nous est pas connu, poinçonnait tous
ses bois d’une tulipe frappée au fer chaud; nous connaissons plusieurs
exemplaires de ce poinçon qu'il ne faut pas confondre avec une marque
analogue, en forme de main, également célèbre, mais appartenant à un
atelier flamand. Le maître à la tulipe est Espagnol ; ses figures ont même
une allure, une façon de se coiffer en turban, un je ne sais quoi de mau-
resque d’une saveur très prononcée.
La facture allemande a des traits qui sautent aux yeux tout d’abord :
les figures courtes, trapues, les attitudes violentes, les mains s’allon-
geant maigres, noueuses; un luxe d’ornements compliqués, pittoresques,
fouillés jusqu’au tour de force ; des laideurs de parti pris sauvées par une
imagination et une verve intarissables ; un ensemble mâle, robuste, pas-
sionné, une entente merveilleuse de l’effet, une puissance indiscutable.
Pour bien connaître l’art du bois chez les Allemands, il faut l’étudier sur
place et dans les estampes de Durer, de Virgile Solis, Aldegraver, Mathias
Zundt, Brosamer, Hans Beham, Flynt, Vochter, l’auteur du Liber artifi-
ciosus, etc. Les meubles de la Renaissance allemande sont fort rares en
France : un des plus remarquables est le dressoir fabriqué probablement
pour l’empereur Maximilien et portant l’aigle à deux têtes; ce meuble,
fouillé d’un ciseau hardi et sûr de lui-même, appartient à M. le comte
cl’Yvon et provient de l’ancienne collection Bertaut. La grande table de
chêne peint et doré, placée dans la salle d'armes de M. Spitzer, paraît
être delà même époque; la composition est originale et l’aspect impo-
sant.
Dans la seconde moitié du siècle, le meuble s’alourdit ; l’Allemagne
est restée gothique de cœur, elle résiste à l’invasion italienne et manie le
classique sans conviction.
Mais là où elle est sans rivale, c’est dans les menus objets de buis,
médailles, reliquaires, grains de chapelet, jetons, statuettes, groupes, etc.
Trois vitrines de la collection, contenant cent vingt-trois pièces, sont con-
sacrées à ces chefs-d’œuvre en miniature ; il y a là des petits édicules en
forme de triptyques ou de monstrances, des grains de chapelet ouvragés