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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
fantaisie et, malgré une admiration dont la meilleure preuve est l’infati-
gable ardeur de recherche qui s’est mise à son service, montrant une
visible horreur pour les accès de lyrisme en pareille matière. En somme,
nulle prétention à une vue philosophique, ce qui n’était nullement d’ail-
leurs dans son but limité et nettement défini et ne saurait être que la con-
clusion supérieure d'une étude d’ensemble sur le milieu, la vie, l’œuvre
entier du maître.
D’autres historiens ont été moins modestes, mais, ainsi qu’on l’a dit,
mieux vaut encore ramper avec profit que d’aller mettre de mauvais nua-
ges en bouteille. Le certain est que nous en sommes toujours à attendre
les quarante ou cinquante pages qui doivent nous donner A. Durer, corps
et âme, époque et race, avec sa maladie de foie, son martyre conjugal et
les angoisses dont il dit si éloquemment que Luther le tira, ce génie que
l’on sent tressaillant des allégresses de la Renaissance, curieux de toutes
choses comme un Vinci, s’écriant en quittant Venise en fêtes pour se ren-
dre à Nuremberg : « Hélas! que j'aurai froid après tant de soleil! » et en
même temps crédule, hanté des hallucinations de ce moyen âge dont il
grave âprement les grelottantes et douloureuses maigreurs, et se répétant
chaque jour dans son cœur tremblant : a Hélas ! que Dieu m’accorde une
sainte fin. »
M. Ch. Ephrussi met le motde la fin à son livre avec ce souhait : « Heu-
reux, si ce travail peut contribuer à faire mieux connaître en France le
plus grand maître de l’Allemagne ! »
Quoi qu’il en doive être, ce travail a fait connaître M. Ch. Ephrussi, en
Allemagne, en Angleterre et en France, comme un desjeunes maîtres de
la critique positive et comme l’un des trois ou quatre savants compétents
sur ce génie qui, il faut l’avouer, était et est encore bien peu familier à
la moyenne des curieux dans notre pays.
JULES LAFORGUE.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
fantaisie et, malgré une admiration dont la meilleure preuve est l’infati-
gable ardeur de recherche qui s’est mise à son service, montrant une
visible horreur pour les accès de lyrisme en pareille matière. En somme,
nulle prétention à une vue philosophique, ce qui n’était nullement d’ail-
leurs dans son but limité et nettement défini et ne saurait être que la con-
clusion supérieure d'une étude d’ensemble sur le milieu, la vie, l’œuvre
entier du maître.
D’autres historiens ont été moins modestes, mais, ainsi qu’on l’a dit,
mieux vaut encore ramper avec profit que d’aller mettre de mauvais nua-
ges en bouteille. Le certain est que nous en sommes toujours à attendre
les quarante ou cinquante pages qui doivent nous donner A. Durer, corps
et âme, époque et race, avec sa maladie de foie, son martyre conjugal et
les angoisses dont il dit si éloquemment que Luther le tira, ce génie que
l’on sent tressaillant des allégresses de la Renaissance, curieux de toutes
choses comme un Vinci, s’écriant en quittant Venise en fêtes pour se ren-
dre à Nuremberg : « Hélas! que j'aurai froid après tant de soleil! » et en
même temps crédule, hanté des hallucinations de ce moyen âge dont il
grave âprement les grelottantes et douloureuses maigreurs, et se répétant
chaque jour dans son cœur tremblant : a Hélas ! que Dieu m’accorde une
sainte fin. »
M. Ch. Ephrussi met le motde la fin à son livre avec ce souhait : « Heu-
reux, si ce travail peut contribuer à faire mieux connaître en France le
plus grand maître de l’Allemagne ! »
Quoi qu’il en doive être, ce travail a fait connaître M. Ch. Ephrussi, en
Allemagne, en Angleterre et en France, comme un desjeunes maîtres de
la critique positive et comme l’un des trois ou quatre savants compétents
sur ce génie qui, il faut l’avouer, était et est encore bien peu familier à
la moyenne des curieux dans notre pays.
JULES LAFORGUE.