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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 25.1882

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Nr. 6
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Duret, Théodore: Expositions de la Royal Academy et de la Grosvenor Gallery
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https://doi.org/10.11588/diglit.24257#0611

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EXPOSITIONS DE LONDRES.

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d’exposer au Grosvenor. Et je vois qu’ils prennent en outre l’habitude de choisir pour
le Grosvenor, considéré comme un lieu bien fréquenté, non pas leurs toiles les plus
prétentieuses, capables de tirer les yeux de la foule, mais des morceaux d’un cachet
réellement artistique, tels qu’on aime à en montrer à une société d’élite.

L’année dernière M. Millais avait au Grosvenor son meilleur portrait, Mrs Perugini.
C’était une œuvre enlevée, pleine de désinvolture, une œuvre d’artiste, peinte pour
une artiste et se distinguant ainsi heureusement de ces portraits qu’il produit par
douzaines, pour des gens riches, sans goût et sans jugement artistique, que la bana-
lité peut seule satisfaire. M. Millais n’a rien, cette année, qui vaille le portrait de
Mrs Perugini ou celui de Mrs Jopling, mais ses deux œuvres exposées, le portrait de
Mrs G. Whilley et celui des Enfants de Mrs Barrett, font cependant montre d’une
recherche artistique que nous n’avons pas trouvée à un égal degré dans les tableaux
envoyés à l’Academy.

M. Holl est, avec MM. Watts et Millais, le plus en vogue des peintres de portraits.
Il me semble qu’il y a décidément trop de portraits aux expositions anglaises. C’est
sans doute pour flatter la vanité des gens qui se font peindre, qui veulent à toute force
se montrer au public, que les artistes sont amenés à exposer cette multitude de por-
traits qui, par leur monotonie, fatiguent l’attention. Que ne font-ils un triage en se
limitant à leurs morceaux les mieux réussis? Leur réputation ne pourrait qu’vgagner.
Pourquoi M. HoR, par exemple, ne s’est-il pas borné à envoyer au Grosvenor le por-
trait de Mrs Gardnez, plein de vie, d’un beau modelé et d’un ferme dessin, un véri-
table morceau de maître, particulièrement réussi.

Il est deux artistes, MM. Burne Jones et Whistler, qui, n’appartenant point à l’Aca-
demv, n'exposent qu’au Grosvenor et sont ainsi plus spécialement comme les hôtes et
ou les enfants de la maison, deux artistes placés aux pôles opposés de l'art, différents
l'un de l’autre en toutes choses autant que deux hommes peuvent l’être et qui, par
leur présence simultanée au Grosvenor, font on ne peut mieux ressortir l’esprit intelli-
gent et éclectique qui préside à l’organisation des expositions du lieu.

M. Burne Jones commence à nous apparaître comme le survivant d’un monde
disparu. A mesure que le temps s’écoule, l’art qu’il cultive devient de plus en plus
étranger aux préoccupations des artistes qui grandissent et s’élèvent. M. Burne Jones
est le continuateur du mouvement artistique qui, vers 1848, sous l’impulsion de
M. Dante Rossetti, a prétendu reproduire, au milieu de l’Angleterre moderne, les formes
types des peintres primitifs italiens. M. Burne Jones, dans la série des préraphaélites,
n’est qu’un ouvrier de la seconde heure; ce n’est point un véritable inventeur, car il a
profité des formes et des types que son devancier M. Rossetti avait créés. Son art, dans
la plupart de ses manifestations, a quelque chose de maladif et de souffreteux. Les
êtres qu’il peint sont absolument conventionnels, et il ne saurait manquer d’en être
ainsi, car il est impossible d’imaginer qu’un Anglais du xixe siècle puisse arrivera se
mettre dans la peau d’un ancien Italien, comme il faudrait qu’il le fit pour redonner
vie réellement aux formes et aux types de l’Italie du xve siècle. Je pourrais conti-
nuer ainsi à perte de vue ma critique de l’œuvre de M. Burne Jones, car les essais
de retour vers un passé lointain sont absolument contraires à mes goûts et à mes
idées en fait d’art. Cependant, au moment même où les objections se présentent en
foule à mon esprit, j’ai vu quelque chose de peu commun se dégager des tableaux de
M. Burne Jones, une certaine mélancolie, une note poétique, des traces manifestes
d’imagination. En résumé, M. Burne Jones me fait plutôt l’effet d’un poète que d’un
 
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