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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
critiques qui proclament Hogarth le parangon des peintres et propo-
sant ses suites morales, à leur imitation se lamentent de voir que la
France n’en possède point de semblables. Sans doute Greu/e était
Greuze avant de connaître Diderot; sans doute il avait déjà peint son
Père de famille expliquant la Bible avant de venir à Paris ; mais
comment n’aurait-il pas exagéré sa manière, comment n’aurait-il
pas suscité une légion d’élèves, alors que les critiques renommés
saluaient en lui le rénovateur attendu, le défenseur de la morale,
le messie de la peinture ?
Sous ces multiples influences, artistiques, littéraires ou sociales,
devait donc naître une peinture sentimentale et moralisante : quand
les dessinateurs avaient lu les romans anglais ou les idylles de
Gessner, versé des larmes à la Nouvelle Héloïse ou aux Contes
moraux, aux opéras-comiques, à Annette et Lubin, aux drames
bourgeois, au Père de famille, aux tragédies sombres, à Gabrielle
de Vergij; quand ils sortaient des salons où les femmes avaient des
vapeurs, où les hommes prêchaient la philanthropie, des expositions
où la foule s’extasiait devant leurs mélodrames et où les critiques
applaudissaient à leurs scènes morales, les Greuze, les Fragonard,
les Wille le fils, les Aubry, les Borel et les Bounieu, et tous les illus-
trateurs des contes el des pièces à la mode pouvaient-ils ne pas
écouter public el amateurs, ne point cédera l’attendrissante habitude
des sujets sentimentaux?
LOUIS HAUTECŒUR
(La suite prochainement.)
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
critiques qui proclament Hogarth le parangon des peintres et propo-
sant ses suites morales, à leur imitation se lamentent de voir que la
France n’en possède point de semblables. Sans doute Greu/e était
Greuze avant de connaître Diderot; sans doute il avait déjà peint son
Père de famille expliquant la Bible avant de venir à Paris ; mais
comment n’aurait-il pas exagéré sa manière, comment n’aurait-il
pas suscité une légion d’élèves, alors que les critiques renommés
saluaient en lui le rénovateur attendu, le défenseur de la morale,
le messie de la peinture ?
Sous ces multiples influences, artistiques, littéraires ou sociales,
devait donc naître une peinture sentimentale et moralisante : quand
les dessinateurs avaient lu les romans anglais ou les idylles de
Gessner, versé des larmes à la Nouvelle Héloïse ou aux Contes
moraux, aux opéras-comiques, à Annette et Lubin, aux drames
bourgeois, au Père de famille, aux tragédies sombres, à Gabrielle
de Vergij; quand ils sortaient des salons où les femmes avaient des
vapeurs, où les hommes prêchaient la philanthropie, des expositions
où la foule s’extasiait devant leurs mélodrames et où les critiques
applaudissaient à leurs scènes morales, les Greuze, les Fragonard,
les Wille le fils, les Aubry, les Borel et les Bounieu, et tous les illus-
trateurs des contes el des pièces à la mode pouvaient-ils ne pas
écouter public el amateurs, ne point cédera l’attendrissante habitude
des sujets sentimentaux?
LOUIS HAUTECŒUR
(La suite prochainement.)