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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Les deux tapisseries que l’Exposition de Bruges a fait connaître
aux historiens de l’art flamand sont comme perdues à Saragosse, au
milieu d’un monceau de tentures qui appartiennent aux deux cathé-
drales, et dont le nombre exact n’est donné par aucun inventaire
accessible. Ces tentures, oubliées après le centenaire de Colomb, sont
restées, on peut le dire, inconnues jusqu’à l’année dernière : les éru-
dits espagnols eux-mêmes n’en parlaient que par ouï-dire, comme
d'un trésor fabuleux1. En effet il était impossible de les étudier.
Beaucoup d’entre elles ne sortent jamais des réduits oïl elles dor-
ment roulées; parmi les tapisseries du « Pilar », dont quelques-unes
sont exposées dans la basilique tout le long des fêtes d’octobre, les
plus précieuses ont disparu pendant ces dernières années, et on a
pu les croire parties pour l’Amérique; enfin les tapisseries de la
« Seo », qui prennent l’air chaque année, pendant la Semaine Sainte,
sont alors pendues très haut, entre les hauts piliers, dans l’ombre
d’une carapace de voûtes qu’atteignent à peine quelques reflets loin-
tains du jour, impuissants à faire briller les énormes clefs, décou-
pées comme des rosaces d’or.
❖ ❖
L’Exposition rétrospective de Saragosse, qui vient de fermer ses
portes, a eu pour organisateur D. Francisco Moreno, le chanoine
même qui avait choisi et décrit les tapisseries envoyées à l’Exposi-
tion de Madrid. Il put, cette fois encore, faire sortir des deux cathé-
drales une série de tapissei'ies qu’il choisit avec le soin le plus judi-
cieux, faute de pouvoir exposer en entier les kilomètres carrés de
laine, de soie et d’or qui auraient couvert, avec toutes les salles du
Palais de l’Art ancien, les deux étages du vaste patio. Chacune des
tradition est fort suspecte, car etle attribue également au Téméraire la fameuse
tapisserie du Banquet, qui est du xvie siècle (cf. P. Boyé, Le Butin de Nancy, dans
les Mémoires de la Société d’archéologie lorraine, t. LIV, 1904, p. 165 et 173). La
tapisserie de Nancy est du même temps que les trois tapisseries de Saragosse et
probablement du même atelier; mais elle ne fait pas partie de la même suite
Une tenture de l’Histoire d’Estfter, en six pièces, avait été achetée en i4G2 par
Philippe le Bon à Pasquier Grenier, marchand de Tournai (Pol de Mont, les
Chefs-d’œuvre de l'art ancien à l’Exposition de la Toison d'Or à Bruges, Bruxelles,
1907, p. 148; pl. 71 et 72; Album de l’Exposition Colombienne de 1892, pl. 177-
178,213-214, 219-220.
1. Voiries notes de D. Elias Tormo y Monz6,dans son étude Las lapicerias de la
Corona y otras colecciones espanoles (Boletin de la Sociedad esp. de excursiones,
t. XIV, 1906, p. 32).
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Les deux tapisseries que l’Exposition de Bruges a fait connaître
aux historiens de l’art flamand sont comme perdues à Saragosse, au
milieu d’un monceau de tentures qui appartiennent aux deux cathé-
drales, et dont le nombre exact n’est donné par aucun inventaire
accessible. Ces tentures, oubliées après le centenaire de Colomb, sont
restées, on peut le dire, inconnues jusqu’à l’année dernière : les éru-
dits espagnols eux-mêmes n’en parlaient que par ouï-dire, comme
d'un trésor fabuleux1. En effet il était impossible de les étudier.
Beaucoup d’entre elles ne sortent jamais des réduits oïl elles dor-
ment roulées; parmi les tapisseries du « Pilar », dont quelques-unes
sont exposées dans la basilique tout le long des fêtes d’octobre, les
plus précieuses ont disparu pendant ces dernières années, et on a
pu les croire parties pour l’Amérique; enfin les tapisseries de la
« Seo », qui prennent l’air chaque année, pendant la Semaine Sainte,
sont alors pendues très haut, entre les hauts piliers, dans l’ombre
d’une carapace de voûtes qu’atteignent à peine quelques reflets loin-
tains du jour, impuissants à faire briller les énormes clefs, décou-
pées comme des rosaces d’or.
❖ ❖
L’Exposition rétrospective de Saragosse, qui vient de fermer ses
portes, a eu pour organisateur D. Francisco Moreno, le chanoine
même qui avait choisi et décrit les tapisseries envoyées à l’Exposi-
tion de Madrid. Il put, cette fois encore, faire sortir des deux cathé-
drales une série de tapissei'ies qu’il choisit avec le soin le plus judi-
cieux, faute de pouvoir exposer en entier les kilomètres carrés de
laine, de soie et d’or qui auraient couvert, avec toutes les salles du
Palais de l’Art ancien, les deux étages du vaste patio. Chacune des
tradition est fort suspecte, car etle attribue également au Téméraire la fameuse
tapisserie du Banquet, qui est du xvie siècle (cf. P. Boyé, Le Butin de Nancy, dans
les Mémoires de la Société d’archéologie lorraine, t. LIV, 1904, p. 165 et 173). La
tapisserie de Nancy est du même temps que les trois tapisseries de Saragosse et
probablement du même atelier; mais elle ne fait pas partie de la même suite
Une tenture de l’Histoire d’Estfter, en six pièces, avait été achetée en i4G2 par
Philippe le Bon à Pasquier Grenier, marchand de Tournai (Pol de Mont, les
Chefs-d’œuvre de l'art ancien à l’Exposition de la Toison d'Or à Bruges, Bruxelles,
1907, p. 148; pl. 71 et 72; Album de l’Exposition Colombienne de 1892, pl. 177-
178,213-214, 219-220.
1. Voiries notes de D. Elias Tormo y Monz6,dans son étude Las lapicerias de la
Corona y otras colecciones espanoles (Boletin de la Sociedad esp. de excursiones,
t. XIV, 1906, p. 32).