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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 1.1909

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Nr. 5
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Goujon, Pierre: Les Salons de 1909, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24871#0429

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LES SALONS DE 1909

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sieurs vivent et travaillent à mi-chemin de la gloire et, bien des
jeunes sont là qui veulent loyalement, âprement, le succès, non pas
le succès qui vient du jugement inutile de la foule, mais le succès
qui consiste pour soi-même à réaliser ce qu’on a voulu. Qu’il y ait
entre eux tous un mot d’ordre affirmatif et précis auquel chacun
soumet ouvertement son action ou la seule sympathie intime et
inavouée suffisante pour qu’ils profitent les uns des autres et pour
qu’ils pratiquent l’échange un peu mystérieux de leurs qualités et
de leurs aspirations, peu importe. S’ils possèdent le don d’exprimer
la nature et la vie, si la plus ferme volonté fait qu’ils les rejoignent
et qu’ils les touchent, ils ne sont des artistes, ils ne seront des
maîtres qu’en étant des personnalités. Nulle part, il n’est moins
besoin de cette solidarité devenue un dogme à tout faire que dans
l’art, où l’influence contient souvent un danger, où les personnalités
fortes engendrent trop facilement une descendance qui ne peut se
dégager d’elles ou qui, audacieusement, les copie et les maquille.

Je voudrais savoir à quelle époque on a pu affirmer la santé de
l’art français en observant chez les artistes la soumission à un
même évangile. Je voudrais savoir aussi si l’épanouissement d’une
seule œuvre belle, généralement en désaccord et proscrite par tout
ce qui la précède et l’accompagne, n’a pas immédiatement produit,
ne crée pas surtout à distance l’illusion d’un renouvellement de
l’art tout entier. Toute l’histoire de tous les temps montre que la
vérité future est toujours cultivée par une minorité, par des isolés
sur lesquels s’acharnent les colères et les mépris. Et quand on a
cru pouvoir distinguer des tendances collectives et des directions de
majorité, on n’a jamais consacré que des œuvres qui allaient périr
demain.

Une seule concession à ceux qui, même en art, veulent se forti-
fier derrière des catégories et des systèmes et, vaille que vaille,
établir entre les hommes des chaînes ininterrompues : l’art français
a fait depuis cent ans un effort prodigieux pour traduire simplement
la nature et la vie. Il a appris le mouvement du romantisme dont il
brûla le costume et l’accessoire; la composition à l’école de Corot;
il a découvert la lumière dans l’impressionnisme, et voici qu’il lutte,

— chacun à son poste, sans chef, sans hiérarchie? ah ! quelle affaire !

— contre la froide fiction d’atelier.

11 veut la liberté, — liber té dans l’inspiration, liberté dans la com-
position, liberté dans les moyens d’expression. Jamais aux heures
de plus ferme et de plus calme tradition, on n’a pu démêler une
 
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