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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 7.1912

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Nr. 2
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Rosenthal, Léon: La peinture romantique sous la monarchie de Juillet, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24884#0113

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

dessin. Je me représentais les furieux reproches que m’eût adressés
Vonderhaest, s’il m’était arrivé de torcher des pieds et des mains
comme ceux que je voyais aux Femmes d'Alger et à la Noce juive'. »
La bonne foi de Jules Breton est hors de doute; celle de Jal, de
Delécluze, de Louis Peisse ou de Viardot me paraît également indu-
bitable, non seulement parce qu’ils n’ont pas refusé des éloges à
Delacroix toutes les fois qu’ils l’ont compris, mais parce que des par-
tisans déterminés de Delacroix n’ont pas montré plus d’intelligence :
Charles Blanc, en 1840, au milieu d’un éloge dithyrambique de
Delacroix, lui reprochait un dessin défectueux1 2.

Ce dessin, pourtant, n’était, pas inintelligible, et quelques écrivains
plus compréhensifs essayaient d’en expliquer le système. « L’on
dessine par les milieux autant que par les bords, » affirmait
Théophile Gautier3, « par le modelé autant que par les lignes. Ceux
qu’on nomme coloristes ont une tendance à tirer des objets un
relief, et les dessinateurs une silhouette. » Delacroix, en effet,
avait emprunté à Géricault l’habitude de rechercher les masses
par noyaux, mais, comme il l’écrivait lui-même, « on ne veut en
peinture que le dessin de sculpteur, et cette erreur, sur laquelle a
vécu toute l’école de David, est encore toute-puissante 4 5 ». Le public
ne s’intéressait qu’au jeu des lignes. Les traits lui paraissaient
indécis, vagues ou incorrects. En vain expliquait-on que ce dessin
était « soumis aux conditions de la vitalité et du mouvement 3 »,
qu’il rendait « parfaitement le mouvement, la physionomie, le
caractère insaisissable et tremblant de la nature 6 », la foule n’écou-
tait pas les exégètes et l’on n’aurait pas suivi davantage Fromentin
si l’on avait lu, dans une éphémère revue provinciale où elle était
imprimée, l’explication ingénieuse qu’il donnait de la notation du
geste par Delacroix 7.

Des yeux habitués à un fini extérieur ne pardonnaient pas non
plus à l’artiste de n’accuser la forme que dans la mesure nécessaire
à l’expression de la pensée. On lui reprochait tels morceaux « exé-
cutés plus qu’une esquisse, mais par malheur un peu moins qu’un

1. La Vie cl’un artiste, p. 152.

2. Salon de 1840 (Revue du Progrès, 1840, p. 217-218).

3. La Presse, 28 mars 1844.

4. Brouillon d’une lettre à Thoré, vers 1840. Lettres, 2e édition, p. 256.

5. A. Decamps, dans Le National, 18 mars 1838.

6. Baudelaire, Salon de 1845 (Curiosités esthétiques, p. 9).

7. Le Salon de 1845, par Fromentin (Berne de l’art ancien et moderne,
10 novembre 1910, p. 372-373).
 
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