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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
une grande différence malgré l’analogie parfaite de la composition jusque
dans les détails : les proportions sont autres. Autant qu’on peut juger d’après
une reproduction1 les proportions du marbre paraissent être i : - i/3, mais
celles du bronze de l’Ermitage sont 1 : 8 i/3. El du premier coup d’œil cet
allongement, cet amincissement de l'exemplaire du bronze en comparaison
de l’Amphitrite du Louvre nous ramène à l’Italie. Pourtant malgré cela,
comparée aux statuettes de l’école de Jean de Bologne et même à un bronze
du musée de Vienne, Vénus tenant une coquille (H. 4 9 centimètres), que
mentionne M. Brinckmann2, YAmphitrite d’Anguier manifeste son origi-
nalité. L’esprit national la pénètre et nous possédons dans ce bronze une
œuvre purement française.
La comparaison du bronze de Vienne avec le marbre du Louvre est très
instructive : tout en montrant la similitude de leur composition, elle en
marque la différence essentielle. Arrêtons-nous sur deux points des plus
importants dans l’art du statuaire : la silhouette et la pose. Le bronze de
Vienne est tout en longueur, ses épaules sont comprimées, ses bras serrés
contre le torse et le bras droit replié et ramené en avant est entièrement
inclus dans la silhouette étroite de la figure. Ses jambes enfin sont serrées
l’une contre l’autre au point que les genoux se touchent et la pose des pieds
devient si instable que la Vénus est forcée de s’appuyer de la main gauche à
un tronc d’arbre placé à côté d’elle.
Dans Y Amphitrite on ne trouvera point de ces traits caractéristiques de
l’école italienne. Les proportions en sont très différentes même si nous lais-
sons de côté le marbre du Louvre et prenons comme point de comparaison
le bronze de l’Ermitage. 11 est bien plus massif que celui de la statuette de
Vienne, ses épaules sont plus larges, son torse, ses jambes et ses bras plus
potelés ; sa silhouette ample aux bras écartés du corps est encore adoucie
par les plis ruisselants de la draperie, qui se fond avec le corps du dauphin
et fournit une base ferme à toute la composition. La figure elle-même se
tient solidement posée sur le pied droit, sans avoir besoin d’appui. Tous ces
traits manifestent cette tradition nationale réaliste dont Michel Anguier
s’était, imprégné chez son maître Simon Guillain. En effet, la pose ferme, la
silhouette ample, le modelé souple des nus se retrouvent dans le bronze
superbe d'Anne d’Autriche, le chef-d’œuvre de Simon Guillain. Et ce n’est,
pas la physionomie indifférente des Vénus de l’école de Jean de Bologne,
que nous rencontrons sous la coiffure compliquée de l’Amphitrite, mais le
visage large, vif et presque souriant d’un tout autre type rappelant les
Nymphes de la Fontaine des Innocents, par Jean Goujon.
1. H. Puvis de Chavannes. Revue de l’art, janvier 1924, p. 7&.
2. Barocksckulptur, v. II, tîg. 331. Berlin, 1919.
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une grande différence malgré l’analogie parfaite de la composition jusque
dans les détails : les proportions sont autres. Autant qu’on peut juger d’après
une reproduction1 les proportions du marbre paraissent être i : - i/3, mais
celles du bronze de l’Ermitage sont 1 : 8 i/3. El du premier coup d’œil cet
allongement, cet amincissement de l'exemplaire du bronze en comparaison
de l’Amphitrite du Louvre nous ramène à l’Italie. Pourtant malgré cela,
comparée aux statuettes de l’école de Jean de Bologne et même à un bronze
du musée de Vienne, Vénus tenant une coquille (H. 4 9 centimètres), que
mentionne M. Brinckmann2, YAmphitrite d’Anguier manifeste son origi-
nalité. L’esprit national la pénètre et nous possédons dans ce bronze une
œuvre purement française.
La comparaison du bronze de Vienne avec le marbre du Louvre est très
instructive : tout en montrant la similitude de leur composition, elle en
marque la différence essentielle. Arrêtons-nous sur deux points des plus
importants dans l’art du statuaire : la silhouette et la pose. Le bronze de
Vienne est tout en longueur, ses épaules sont comprimées, ses bras serrés
contre le torse et le bras droit replié et ramené en avant est entièrement
inclus dans la silhouette étroite de la figure. Ses jambes enfin sont serrées
l’une contre l’autre au point que les genoux se touchent et la pose des pieds
devient si instable que la Vénus est forcée de s’appuyer de la main gauche à
un tronc d’arbre placé à côté d’elle.
Dans Y Amphitrite on ne trouvera point de ces traits caractéristiques de
l’école italienne. Les proportions en sont très différentes même si nous lais-
sons de côté le marbre du Louvre et prenons comme point de comparaison
le bronze de l’Ermitage. 11 est bien plus massif que celui de la statuette de
Vienne, ses épaules sont plus larges, son torse, ses jambes et ses bras plus
potelés ; sa silhouette ample aux bras écartés du corps est encore adoucie
par les plis ruisselants de la draperie, qui se fond avec le corps du dauphin
et fournit une base ferme à toute la composition. La figure elle-même se
tient solidement posée sur le pied droit, sans avoir besoin d’appui. Tous ces
traits manifestent cette tradition nationale réaliste dont Michel Anguier
s’était, imprégné chez son maître Simon Guillain. En effet, la pose ferme, la
silhouette ample, le modelé souple des nus se retrouvent dans le bronze
superbe d'Anne d’Autriche, le chef-d’œuvre de Simon Guillain. Et ce n’est,
pas la physionomie indifférente des Vénus de l’école de Jean de Bologne,
que nous rencontrons sous la coiffure compliquée de l’Amphitrite, mais le
visage large, vif et presque souriant d’un tout autre type rappelant les
Nymphes de la Fontaine des Innocents, par Jean Goujon.
1. H. Puvis de Chavannes. Revue de l’art, janvier 1924, p. 7&.
2. Barocksckulptur, v. II, tîg. 331. Berlin, 1919.