DES ORIGINES DE LA MOMIFICATION
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M. Wiedemann déclare ces types irréductibles l'un à l'autre aussi bien qu'à la
momification classique. Il croit même qu'on ne peut en expliquer les divergences que
par la succession sur le sol égyptien de plusieurs races différentes d'idées et de mœurs :
« Les idées relatives au traitement des morts. . . diffèrent tellement de celles qu'on est
» habitué à voir en Égypte, qu'on ne peut guère admettre que ces dernières, spéciale-
» ment la momification, soient le résultat d'une évolution qui dérive du dépeçage ou de
» l'incinération du mort. Des manières de penser aussi différentes ne peuvent résulter
» que d'origines différentes, et elles sont même tellement divergentes qu'on ne peut
» guère prétendre qu'une seule et même race, relativement civilisée, comme le peuple
» du type de Negadah, ait pu développer dans son sein des doctrines aussi contradic-
» toires1. » Faut-il donc bien compter trois ou quatre races, maîtresses successives de
l'Egypte avant les temps historiques? Ce serait raffiner sur M. de Morgan, qui tenait
seulement à démontrer l'existence d'une population aborigène contemporaine de l'âge
de pierre et distincte des Egyptiens de l'âge pharaonique. Mais, lui-même, M. Wie-
demann, qui suggère cette solution plus hardie, ne la soutient pas jusqu'au bout et ouvre
la porte à des compromis. Ces « peuples différents » ne se seraient pas détruits l'un
l'autre, mais par une influence réciproque « ont concouru » à former la civilisation
égyptienne2.
Il n'entre pas dans le cadre de cette étude de discuter par le détail les théories
séduisantes de MM. Wiedemann et de Morgan. Il ne nous appartient pas de contrôler
tous les faits, ni de préciser bien des points intéressants. Toutes les sépultures en
question forment-elles des séries successives ou des séries parallèles? Sont-elles anté-
rieures à l'époque pharaonique, ou pour un grand nombre contemporaines des dynasties
thinites, plusieurs même de l'Empire memphite ou même du premier Empire thébain?
Sont-elles dues à une seule race ou à plusieurs? Les diverses races se sont-elles succes-
sivement anéanties, ou seulement chassées, ou simplement encore subjuguées; et, dans
ce dernier cas même, la survivance des vaincus a-t-elle été longue; a-t-elle abouti à
l'extinction lente de certains éléments demeurés isolés, ou, au contraire, à la pénétration
réciproque et à la fusion progressive des familles et des idées? Quelle date, même ap-
proximative, assigner à tous ces événements encore hypothétiques ? On ne trouvera
point ici de réponse â toutes ces questions.
Des découvertes des derniers explorateurs et de leurs descriptions, nous retiendrons
seulement un petit nombre de faits incontestés. Sur ces données simples s'édifiera une
construction de logique abstraite.
La méthode pourra paraître téméraire. C'est au contraire la prudence qui, loin du
terrain des fouilles, l'impose en face des discussions que soulève la constatation des faits
matériels. Peut-être semblerait-il plus conforme à la méthode positive de l'histoire de
suivre pas à pas les faits et de s'appuyer sans cesse sur les données matérielles. Mais ici
précisément les contestations portent non sur la chronologie seule, mais souvent sur la
matérialité même des faits. Aussi bien la déduction, s'appuyant sur quelques données
1. Loc. cit., p. 220. — 2. Ibid., p. 219 et 220.
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M. Wiedemann déclare ces types irréductibles l'un à l'autre aussi bien qu'à la
momification classique. Il croit même qu'on ne peut en expliquer les divergences que
par la succession sur le sol égyptien de plusieurs races différentes d'idées et de mœurs :
« Les idées relatives au traitement des morts. . . diffèrent tellement de celles qu'on est
» habitué à voir en Égypte, qu'on ne peut guère admettre que ces dernières, spéciale-
» ment la momification, soient le résultat d'une évolution qui dérive du dépeçage ou de
» l'incinération du mort. Des manières de penser aussi différentes ne peuvent résulter
» que d'origines différentes, et elles sont même tellement divergentes qu'on ne peut
» guère prétendre qu'une seule et même race, relativement civilisée, comme le peuple
» du type de Negadah, ait pu développer dans son sein des doctrines aussi contradic-
» toires1. » Faut-il donc bien compter trois ou quatre races, maîtresses successives de
l'Egypte avant les temps historiques? Ce serait raffiner sur M. de Morgan, qui tenait
seulement à démontrer l'existence d'une population aborigène contemporaine de l'âge
de pierre et distincte des Egyptiens de l'âge pharaonique. Mais, lui-même, M. Wie-
demann, qui suggère cette solution plus hardie, ne la soutient pas jusqu'au bout et ouvre
la porte à des compromis. Ces « peuples différents » ne se seraient pas détruits l'un
l'autre, mais par une influence réciproque « ont concouru » à former la civilisation
égyptienne2.
Il n'entre pas dans le cadre de cette étude de discuter par le détail les théories
séduisantes de MM. Wiedemann et de Morgan. Il ne nous appartient pas de contrôler
tous les faits, ni de préciser bien des points intéressants. Toutes les sépultures en
question forment-elles des séries successives ou des séries parallèles? Sont-elles anté-
rieures à l'époque pharaonique, ou pour un grand nombre contemporaines des dynasties
thinites, plusieurs même de l'Empire memphite ou même du premier Empire thébain?
Sont-elles dues à une seule race ou à plusieurs? Les diverses races se sont-elles succes-
sivement anéanties, ou seulement chassées, ou simplement encore subjuguées; et, dans
ce dernier cas même, la survivance des vaincus a-t-elle été longue; a-t-elle abouti à
l'extinction lente de certains éléments demeurés isolés, ou, au contraire, à la pénétration
réciproque et à la fusion progressive des familles et des idées? Quelle date, même ap-
proximative, assigner à tous ces événements encore hypothétiques ? On ne trouvera
point ici de réponse â toutes ces questions.
Des découvertes des derniers explorateurs et de leurs descriptions, nous retiendrons
seulement un petit nombre de faits incontestés. Sur ces données simples s'édifiera une
construction de logique abstraite.
La méthode pourra paraître téméraire. C'est au contraire la prudence qui, loin du
terrain des fouilles, l'impose en face des discussions que soulève la constatation des faits
matériels. Peut-être semblerait-il plus conforme à la méthode positive de l'histoire de
suivre pas à pas les faits et de s'appuyer sans cesse sur les données matérielles. Mais ici
précisément les contestations portent non sur la chronologie seule, mais souvent sur la
matérialité même des faits. Aussi bien la déduction, s'appuyant sur quelques données
1. Loc. cit., p. 220. — 2. Ibid., p. 219 et 220.