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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 10.1884 (Teil 1)

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Burty, Philippe: Le roman japonais Okoma
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https://doi.org/10.11588/diglit.19701#0056

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42 L'ART.

des chrétiens, cette longue histoire, la plus populaire, à juste titre, clans toute la littérature
japonaise. C'est un classique. Une femme, Murasaki-Sikibou, a tenu brillamment ce pinceau. On
y respire .un amour constant des fleurs, la volupté des nuits dans la campagne. La malice y est
perçante. L'analyse du cœur des hommes s'y montre d'une qualité d'observation, d'une souplesse
de rendu, d'une variété de touche, qui lui assurent un rang des plus élevés dans le concert
commun des littératures. Le Don Juan princier qui en est le héros vole de plaisirs en plaisirs,
insoucieux des larmes. J'ai, dans ma bibliothèque, une dizaine d'éditions illustrées, de premier
choix ou populaires, de ce roman : il prête merveilleusement au décor par la multiplicité des
épisodes, la mobilité des centres, la somptuosité des vêtements, les charmes de la pleine nature.
Quel regret qu'aucun japoniste français n'en tente la traduction littérale ! Il serait si facile d'y
joindre des estampes et d'initier ainsi le public à un art savoureux et subtil !

Le Heiké Monogatari, qu'a traduit M. François Turettini1, a

mêlé ^~~~^^'^~a°*»«o!». un r^cit attendrissant à l'énumération des faits histo-

riques, ^'*>>,°,N,,»«^ intéressant l'histoire de la puissante et belli-

queuse famille princière des Hei ou Taira. Il n est g£- pas oiseux d'en donner un

épisode, une scène maintes ^°*s re~ *¥/ produite sur les kakémonos,

en céramique, en soies nuan- cées dans les foukusas, en

or sur les laques, en métaux divers sur " ^J^^^^'cs gaI"des de sabres, etc.

Une nuit un prince se rendait chez sa jjjjjffi' / maîtresse, à travers un bois, accom-

pagné de serviteurs discrets. Il faisait •» * % J sombre, la pluie de la cinquième
lune tombait à flots. Tout disposait à .... J l'émotion, lorsqu'on vit sortir du

temple, qui se trouvait non loin de la ' 4v demeure de la favorite, un être

étrange. Sa tète étincelait, comme couverte d'ai- guilles d'argent poli ; d'une main,

il paraissait tenir un maillet, de l'autre, une lumière. A l'appari-

tion de ce singulier fantôme, le prince et ses suivants \ sont frappés

d'effroi. Dans sa suite, il appelle un de ses samurais, nommé V Tadamori,
et lui dit, en lui désignant le monstre : « Je vous en prie,
tuez-moi cela avec votre sabre ou à
coups de flèches. » Tadamori, obéissant
et respectueux, s'avance en
se disant : « Si c'était un
prestige de renard ou de blai-
reau ? » (Ces deux animaux, doués du pouvoir magique de se transfor-
mer, causent mille illusions redoutables ou comiques). Il s'approche pour
le prendre vivant, sans le blesser ; mais la lumière disparaissait, comme
la rosée, puis reparaissait. Il court, il l'embrasse à bras le corps. La
terreur qu'il a causée à l'être l'éclairé, il se dit : « C'est donc un

homme?... » On accourt alors, on allume des torches... C'était un vieux bonze, sorti pour
remplir d'huile les lampes qui brûlent devant le Buddha et les rallumer ; pour se garantir de
l'averse, il s'était fait un chapeau avec une botte de paille de riz, dont les tubes mouillés
reluisaient comme un métal aux lueurs de sa lanterne.

Le courage, uni à la prudence, qu'avait montré ce serviteur, le fit distinguer du prince.
Tadamori devint un personnage qui conquit les plus hauts grades dans la diplomatie et dans les
armes. Il a laissé une mémoire impérissable dans les annales du Japon.

Nous aurions d'autres livres à dépouiller. Mais les pages blanches se noircissent et
s'accumulent sous notre plume, et nous craignons d'abuser de l'hospitalité de ce recueil, qui
réserve une plus grande part à la critique artiste qu'à la critique essentiellement littéraire. Nous
ne pouvons cependant résister au plaisir de donner, au moins en abrégé, un récit datant d'une

i. Heiké Monogatari. Récits de l'Histoire du Japon au XIIe siècle, traduits du japonais par François Turettini. Genève, une livraison
in-40 de 23 pages, avec trois planches. Août 1871.

On en rencontre une analyse détaillée dans la Revue des Sciences historiques du journal la République française du 19 mars 1875.
 
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