L' art: revue hebdomadaire illustrée (10.1884 (Teil 1))

MASO FINIGUERRA ET MATTEO DET

LE NIELLE DU COURONNEMENT DE LA VIERGE

RESTITUE A SON VERITABLE AUTEUR*

Après avoir énuméré et décrit brièvement les Paix qui forment aujourd'hui
un des plus précieux ornements du Musée de Florence, il convient de rechercher
quels sont, parmi ces monuments, ceux qui ont pu appartenir à l'église de Saint-
Jean. On sait, par des documents maintes fois publiés, qu'en 1432 une Paix fut
commandée pour cette église à Maso Finiguerra, et qu'en 1455 Matteo Dei fut
également chargé d'en exécuter une autre. Mais ces documents., très explicites en
ce qui concerne le poids des pièces et les sommes payées aux artistes, sont abso-
lument muets sur le point qui serait pour nous le plus important, à savoir sur les
sujets représentés sur ces Paix. Toutefois Benvenuto Cellini et Vasari suppléent
en partie à cette lacune. Le premier, dans la préface de son Trattato dell' Orefi-
ceria, dit qu'à Saint-Jean était une Paix exécutée par Finiguerra, sur laquelle
était représenté le Christ en croix entre les deux larrons, avec des hommes à cheval
et une foule nombreuse au pied de la croix. Le second, dans l'introduction de ses
Vite, raconte que Finiguerra fit des nielles admirables, « comme en font foi
quelques Paix de l'église Saint-Jean à Florence, qui passent pour des merveilles ».
Le même Vasari, dans la vie cle Pollajuolo, précise encore davantage et dit qu'à
Saint-Jean cle Florence se voyaient certaines Paix dues à Maso, « avec de fines
représentations de la Passion du Christ ». Remarquons que Vasari commettait
une erreur en disant que l'église Saint-Jean possédait « quelques » Paix ou
« certaines » Paix ; car il est maintenant prouvé qu'il n'y en avait pas plus de
deux. Mais il n'en est pas moins vrai que le double témoignage de ces deux
auteurs nous prouve que le sujet de la Paix exécutée par Finiguerra pour l'église
cle Saint-Jean était la Crucifixion.

Voyons maintenant quelle est, parmi les Paix que possède le Musée de Florence
et représentant ce sujet, quelle est celle que l'on peut regarder comme ayant
autrefois appartenu à Saint-Jean. Je ferai d'abord observer que de ce nombre on
doit exclure la Paix qui par erreur est aujourd'hui attribuée à Matteo Dei. Outre
qu'on n'y trouve ni les figures des larrons, ni les cavaliers, elle est d'une compo-
sition si pauvre, d'un dessin si défectueux, les têtes sont si niaises et si dépourvues
de sentiment, l'exécution est si brutale et si inférieure à celle des autres, qu'elle

1. Voir l'Art, 90 année, tome Ier, page 221.

2. Au moment où nous nous disposions à publier ce très important travail de notre savant collaborateur, M. Mila-
nesi, nous recevons, sur le même sujet et aboutissant à des conclusions analogues, bien que par des arguments tout
différents, une étude non moins intéressante de M. Dutuit. Nous la publierons dans la prochaine livraison.

(Note de la Rédaction.)