Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 10.1884 (Teil 1)

DOI Artikel:
Novikov, Jakov A.: Le Musée Poldi à Milan
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.19701#0129

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
104 L'ART.

posés sur des chevalets. Un ravissant Mariage de sainte Catherine, par Bernardino Luini, qui
peut être considéré comme une de ses œuvres les plus parfaites. Une petite tête de Girolamo da
Santa Croce, traitée presque comme une miniature, mais d'une énergie extrême. Un Sandro
Botticelli, qui ne déparerait pas la collection des Uffi^i.

Mais si vous vous approchez de la fenêtre, vous êtes frappé soudain par un portrait de
femme d'une merveilleuse beauté. Elle est représentée en profil; les lignes sont d'une netteté un
peu tranchante et sèche, mais le coloris d'un éclat incomparable. Imaginez le dessin de Pollajuolo
et la palette de Titien. Cependant les qualités d'exécution pâlissent encore devant l'expression
étrange de cette superbe figure. On songe involontairement à la Mona Lisa. On se trouve en
présence d'une œuvre de maître portant ce cachet d'impénétrable mystère par lequel l'artiste
semble comme saisir l'infini. Quel est cet artiste? Ici les incertitudes commencent. Le catalogue
du Musée Poldi attribue ce portrait à Piero délia Francesca. C'est évidemment insoutenable1.
M. Bertini risque timidement le nom de Pollajuolo, mais sans oser rien affirmer. Selon lui, le
plus sage est de reconnaître notre ignorance.

Ce portrait, peint sur bois à la détrempe et d'une admirable conservation, a 46 centimètres
de haut sur 3q de large. Il a longtemps appartenu à une famille milanaise que des revers de
fortune ont obligée de le vendre à M. Poldi.

M. Bertini a pu lire dans le temps une inscription, maintenant effacée, qui portait : Uxor
Johannis de Bardi. C'est incontestablement une œuvre florentine de la dernière moitié du
xve siècle, mais l'auteur de cette merveille restera probablement toujours ignoré. Il y a, entre le
portrait de Madonna dei Bardi et la Simonetta de Pollajuolo, qui appartient aujourd'hui au duc
d'Aumale, certaines analogies, mais trop lointaines pour autoriser la moindre attribution. Une
chose est incontestable : ce portrait est un des chefs-d'œuvre du xve siècle. Il nous montre
l'avant-dernier échelon de l'art toscan. Un pas de plus et l'on arrive à la Lucre\ia Crivelli.

Singulière destinée que celle de quelques artistes italiens ! A un moment de leur vie, ils
produisent une de ces merveilles qu'on n'oubliera jamais, ils illuminent le ciel de l'art comme
d'un éblouissant éclair, puis disparaissent pour toujours dans la nuit éternelle. Qui nous dira
jamais, pour ne citer qu'un seul exemple, le nom du grand artiste qui a tracé, sur les murs du
Campo Santo de Pise, le poème du triomphe cle la Mort2?

Certaines villes de l'Italie partagent la destinée des artistes qu'elles ont vus naître. A un
moment de leur histoire, elles élèvent des monuments qui comptent parmi les titres de gloire de
l'art européen, puis elles s'endorment pour toujours dans le repos et la médiocrité. Qui dirait
qu'Orvieto, une petite cité perdue aux confins de l'Ombrie, possède trois chefs-d'œuvre incompa-
rables : sa cathédrale, les fresques cle Fra Angelico et celles de Luca Signorelli? Ne serait-il pas
naturel de chercher les plus magnifiques productions de Fra Bartolommeo à Florence? Eh bien,
pas du tout; elles se trouvent au Musée de Lucques. Ce sont la Madonna délia Misericordia, et
un tableau représentant Dieu le Père entouré d'anges, sainte Madeleine et sainte Catherine de
Sienne. Qui n'a pas vu ces deux toiles ne sait pas ce dont Fra Bartolommeo était capable. La
cathédrale de la même ville contient deux anges d'un artiste peu connu en France, Matteo Civitali,
qui pour l'émotion religieuse n'ont jamais été surpassés.

Mais revenons au Musée Poldi, dont ces digressions nous ont un peu éloigné.

Outre les pièces que nous venons de décrire, il y en a une série d'autres non décorées, mais
contenant des tableaux de toutes les écoles, où domine naturellement celle de Lombardie. Parmi
les toiles les plus remarquables, on peut citer un superbe portrait de cardinal romain, du Domi-
niquin ; un fort beau Ribera et un délicieux petit triptyque que le catalogue attribue à Fra
Bartolommeo ou à Mariotto Albertinelli. 11 représente la Vierge et l'Enfant, et, sur les volets
latéraux, sainte Catherine et sainte Barbe. A première vue, l'exécution de ce triptyque ferait

1. Nous craignons que notre collaborateur ne soit ici par trop affirmatif; aussi sommes-nous obligés de faire des réserves expresses, car
Piero délia Francesca fut un des plus grands artistes de la première Renaissance, et l'attribution à ce maître du chef-d'œuvre qu'interprète
si heureusement la gravure de M. Bocourt, ne nous paraît nullement insoutenable. (Note de la Rédaction.)

2. Les historiens modernes : Crowe et Cavalcaselle, Schnaase, Lubke et les autres, ont démontré que Vasari s'était trompé en attribuant
cette fresque à Orcagna.
 
Annotationen