Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 10.1884 (Teil 1)

DOI Artikel:
Fouqué, Octave: Le théatre contemporain, [3]: Mme Pauline Viardot-Garcia
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.19701#0173

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
LE THÉÂTRE CONTEMPORAIN. — Mme PAULINE VIARDOT-GARCIA. 145

bientôt que sous les ombrages du Lichtenthal, chez un célèbre écrivain russe voisin de la villa
Viardot, des opéras se jouent, dont les acteurs sont les auteurs. L'Ogre, Trop de femmes, le
Dernier Sorcier, paroles de M. Yvan Tourguenef, musique de Mme Viardot, sont appréciés ailleurs
que sur ce théâtre de société : le Dernier Sorcier a eu les honneurs de la représentation à
Weimar, à Carlsruhe, à Riga1.

Les funestes événements de 1870 chassèrent les Viardot de leur poétique retraite. Depuis
cette époque, Mme Viardot habite la France, passant l'été à Bougival, l'hiver à Paris, rue de
Douai. C'est là quelle vit entouré de ses affections et de sa jeune famille : Mme Héritte, sa fille,
auteur d'opéras et d'oratorios dont elle a écrit les paroles et dont elle dirige l'exécution dans les
concerts qu'elle donne à l'étranger; Paul Viardot, son fils, jeune violoniste, hors de pair dès le
premier jour ; Alphonse Duvernoy, son gendre, auteur de la Tempête, poème symphonique
couronné au concours de la Ville de Paris.

La maison vaudrait d'être décrite : dans la serre, un orgue dont le buffet très artistique
offre un charmant motif de décoration ; le portrait de la Malibran par Ary Scheffer ; dans le
cabinet de travail de M. Viardot, le portrait de sa femme par M. Harlamof, un buste de Millet,
une foule de dessins de la belle époque italienne, tels sont les objets qui frappent l'œil à une
première visite.

Là se réunit, tous les jeudis soirs, une élite de musiciens et d'amateurs. On y entend les
élèves de Mme Viardot : ses filles d'abord, Mmes Duvernoy et Chamerot, dont les voix légères et
souples se mêlent dans des duos d'une originalité piquante ; puis Mmes Pauline Lucca,
Artot-Padilla, Bianchi, etc. Puis Saint-Saëns se met au piano, la maîtresse de la maison se tient
debout près de lui, et dans un staccato serré, nerveux, des triolets pressés se font entendre. Et
alors ce n'est plus un salon parisien qui nous entoure; voici la route, noire sous l'opacité de la
nuit. Sur cette route sans fin, une course à travers les ténèbres, follement précipitée. Le galop
du cheval nous entraîne, les arbres du chemin semblent tourner dans une ronde vertigineuse.
L'enfant s'effraye; le père, solennel et bourgeois, gourmande son fils épeuré, tandis que, dans les
branches agitées par le vent, le roi des Aulnes répète toujours plus haut sa séductrice
incantation. C'est le fantastique horrible et fascinant : la musique s'accélère et devient haletante,
les cris de l'enfant déchirent l'âme, la terreur étend son voile autour de nous. Enfin un arrêt
se fait sentir ; d'une voix mate, jamais entendue ailleurs, l'artiste dit : L'enfant est mort. Tout est
fini. Les applaudissements éclatent, les dames transportées crient bis, et moi je frissonne dans
un coin, silencieux et ému, admirant cette force de création, cet accent et cette chaleur d'âme
qui font vivre d'une si poignante intensité un rêve effrayant du poète.

Octave Fouque.

f. Mme Viardot, qui depuis a été pendant quelque temps professeur de chant au Conservatoire, a publié : Hcole de chant classique
(Go n0' en 6 livraisons), Une heure d'études; elle a arrangé pour le chant les Danses de Brahms, la Jota espagnole, quelques-unes des œuvres
de Chopin; elle a publié une soixantaine de mélodies sur dés paroles russes, et quelques œuvres encore de moindre importance.
 
Annotationen