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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 10.1884 (Teil 1)

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Michel, André: Le Salon de 1884, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.19701#0216

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i86

L'ART.

Le pinceau élégant de M. J. Lefebvre a noyé dans des vapeurs rosées le corps fluide, et
comme en formation, d'une Aurore, qui se balance au souffle du matin au milieu de « ces molles
déités que nous nommons ,nuées ». Le morceau est gracieux, mais qui saura jamais de quelle
matière impondérable est formée la rougissante Aurore ? M. Lefebvre professe qu'elle est
immatérielle, presque fluide. Nous l'aimerions plus consistante, puisqu'elle revêt l'apparence d'un
corps de femme, et nous" voudrions bien, pour voir, que M. Lefebvre revînt aux carnations
vivantes, compactes et dorées par les baisers d'un chaud soleil. A se tenir si loin de la vie,
l'élégance côtoie la fadeur, et même quand elle n'y touche pas, la pensée seule du danger suffit
à gâter le plaisir.

M. Ehrmann, décorateur classique à la recherche du style, a peint sans passion, mais non
sans talent, une Sagesse qui unit les arts à l'industrie. La Sagesse n'a pas l'air d'attendre grand
chose de cette union, pourtant désirable et sûrement féconde, mais elle compte sur M. Ehrmann
qui sait à fond son métier. M. Lionel Royer a essayé de rajeunir le thème usé de la Famille.
Son panneau est plein de bonnes intentions, mais gâté par une pointe de sentimentalité; la
couleur blonde n'en est d'ailleurs pas sans charme. M. P. Baudouin a de même introduit dans
la peinture décorative un élément d'honnête modernité : son Matin d'avril en Normandie a de
la fraîcheur et plaît, malgré une exécution un peu inconsistante.

Est-ce un panneau décoratif que le diptyque Maladie et Convalescence, de M. Besnard ?
L'œuvre est étrange, d'aspect assez désagréable avec ses colorations, ou plutôt ses décolorations
anémiques, mais d'un sentiment très personnel et en somme attachant. Le groupe du médecin et
de la femme malade, celui de la convalescente appuyée sur sa compagne, sont composés avec
sobriété, délicatesse et émotion. Il semble que M. Besnard cherche laborieusement sa voie ; nous
nous rappelons de lui depuis sa sortie de l'école, une série d'œuvres inégales, inquiètes, poussées
un peu dans toutes les directions. Il nous semble qu'il y a clans cette acharnée poursuite, dans
ce dédain des sentiers battus et des recettes apprises, comme dans les résultats de l'œuvre pré-
sente, un gage sérieux de sincérité et d'avenir, et nous suivons, pour notre part, avec une
sympathie croissante, les tâtonnements de ce jeune artiste, dont les indécisions sont mille fois
plus touchantes —■ et seront plus fécondes que la sotte assurance de tant de camarades, qui n'ont
jamais douté, ne se doutant de rien !

M. Cormon est aussi un convaincu. Il s'est pris d'une passion assez malheureuse pour les
époques préhistoriques, dont les types, d'ailleurs imparfaitement connus, offrent une médiocre
matière à la beauté. Mais puisqu'il s'agissait dans l'espèce de décorer le musée de Saint-Germain,
le peintre ne pouvait guère y évoquer de petits amours roses —■ et il avait du moins un prétexte
plausible de nous montrer une Chasse à l'ours ; âge de la pierre polie. Ce sport de géants a de
quoi effrayer une génération de pêcheurs à la ligne et de chasseurs au miroir; la couleur choco-
lat n'en est pas très agréable. Mais la conviction et la bravoure du peintre sont touchantes;
l'œuvre est d'une belle allure, fortement composée, crânement peinte, et, sans chicaner M. Cor-
mon sur la vraisemblance de tel ou tel détail que nous ignorons l'un et l'autre, je préfère le
féliciter sur le grand air de son paysage et la solidité de sa peinture — en exprimant toutefois
le vœu que, sa dette deux fois payée à nos ancêtres préhistoriques, il consacre à des époques
plus voisines et à des hommes plus avancés en civilisation la vaillance de son pinceau.

Comme nous ne pensons pas que le lecteur ait pris au sérieux le panneau mal venu, mal
conçu et mal peint, que M. H. Motte destine à la mairie de Limoges (encore une commande de
l'Etat, protecteur des Beaux-Arts et défenseur de l'Idéal!), nous ne le comprendrons pas dans cet
inventaire de la peinture décorative, en l'an de grâce 1884. —■ M. Albert Hynais a brossé avec
beaucoup de verve, d'aisance et de charme un projet de rideau pour le théâtre de Prague, —
qui montre une parfaite entente du décor gai. Mais M. A. Hynais est Viennois, et nous n'avons
pas le droit de l'accaparer, bien qu'il ait fait chez nous ses études.

André Michel.

{La suite prochainement.)
 
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