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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 10.1884 (Teil 1)

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Arty, ...: Psyché et l'Amour par Paul Baudry
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https://doi.org/10.11588/diglit.19701#0222

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i92 L'ART.

adolescent ; elle, inclinée vers lui, levant, pour mieux l'admirer, sa ravissante tète blonde, d'une
grâce et d'une douceur tout humaines, perdue dans les plis de sa robe d'épousée ; lui, palpitant
de désirs contenus, mais se souvenant de sa divinité et se laissant adorer par son amante
terrestre ; elle, abandonnée dans une longue et molle inflexion de son corps souple et ondulant,
heureuse de se donner tout entière, chastement voluptueuse, vaincue et subjuguée. Au bas, dans
un angle, un petit génie aux légères ailes de papillon, emblème sans doute de la fragilité de la
passion, aiguise au feu de la lampe fatale la pointe d'une flèche, en tournant le dos au couple,
comme si l'amour charnel dont il forge les armes n'avait rien de commun avec l'amour idéal des
régions supérieures. Près de lui une colombe vient boire dans une coupe de cristal où baigne
une branche de pêcher en fleur dont le parfum, en guise d'encens, semble s'élever vers le
groupe « imparidised in one other's arms ».

N'y a-t-il point, dans ce combat de la pudeur et de la passion, un souvenir, inconscient

peut-être, de la plus charmante scène du

: ballet de Corneille?

.......,, -.. V-V~"'"'>s,

^ - J _ ' "* " "">, A peine je vous vois que mes frayeurs cessées

Laissent évanouir l'image du trépas,
Et que je sens couler dans mes veines glacées
Un je ne sais quel feu que je ne connais pas.

■ Psyché ne songe point à opposer au

dieu triomphant une résistance inutile :

Plus j'ai les yeux sur vous, plus je m'en sens charmer;
Tout ce que j'ai senti n'agissait point de même ;

Et je dirais que je vous aime,
Seigneur, si je savais ce que c'est que d'aimer.

Elle se plaît dans le danger inconnu ;
''/ / - : . ' jf elle avoue sans aucun artifice de coquet-

terie le trouble qui l'agite ; elle n'attend
pas que Cupidon lui déclare son désir, elle
le devance avec une chaste ingénuité :

Vous soupirez, seigneur, ainsi que je soupire;
, Vos sens comme les miens paraissent interdits.

a//-/''' :'-s fc'^-'t / C'est à moi de m'en taire, à vous de me le dire;

Et cependant, c'est moi qui vous le dis.

Étude

d'après Nino Garnier pour le Cupidon.

Elevant son sujet au-dessus des pro-
portions ordinaires d'une scène de ten-
dresse, Baudry a voulu traduire en son
entier le mythe hellénique, montrer l'âme mortelle se perdant dans l'amour et s'immortalisant
en lui. Tout révèle cette haute pensée : la transparence infinie du ciel olympien, les molles
clartés de la lune —■ une lune de miel, sans doute — entourant les deux tètes d'une auréole
divine, le feu sacré de l'hyménée céleste, et plus que tout le reste le tissu diaphane des draperies
qui enveloppe sans le cacher ce beau corps de femme, presque confondu avec l'azur de l'éther,
et lui communique une sorte d'immatérialité.

Il fallait, pour rendre cette charmante et profonde fiction, joyau de la mythologie, une
subtilité de vision, une finesse de coloration que la peinture à l'huile semblait ne pas pouvoir
donner. Le maître a résolu le problème : il a su mettre quelque chose d'ailé et de flottant dans
chaque touche qui, d'un pinceau auquel s'est attaché un rayon de soleil, appose de fines tonalités
enveloppant des douceurs fondues, chatoyantes, diaprées, où les joies radieuses des tons clairs ne
sont pas affadies par ' les apâlissements ordinaires à la palette du xvme siècle. La sensation
spontanée du réel se mêle ici à la chaleur réfléchie et concentrée de l'idéal, comme dans tout
l'oeuvre du glorieux artiste, depuis la Fortune et l'Enfant et le Supplice d'une Vestale, jusqu'à la
Charlotte Çorday et à la Vague et la Perle, pour arriver à l'éblouissante décoration du foyer de
 
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