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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 10.1884 (Teil 1)

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Michel, André: Le Salon de 1884, [4]
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https://doi.org/10.11588/diglit.19701#0264

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L'ART.

puissante et tranquille, offrant aux caresses de l'air moite leurs carnations compactes et dorées,
— soit que, comme Michel-Ange, ils aient déposé dans leurs œuvres les plus hautes pensées et
fait plier les corps héroïques des statues sous le poids d'un tragique secret, — ils ont été des
évocateurs d'images spontanées, de passionnés constructeurs de la charpente humaine.

Ce qui était une volupté pour eux n'est plus qu'un devoir, presque un pensum pour la grande
majorité de nos peintres. 11 faut apprendre le nu, c'est évident; mais, en dépit de l'Ecole des
Beaux-Arts, en dépit même des sociétés de gymnastique renaissantes, nous ne devons pas espérer
d'assister à une nouvelle floraison de beaux corps. L'art a désormais d'autres choses à nous dire,
—• et le mouvement du siècle ne va pas précisément à la beauté calme, noble et sereine.

Pourtant, comme nous sommes faits de la substance de tous ceux qui nous ont précédés et
que nous sentons vaguement tressaillir en nous les idéals des ancêtres, il arrive parfois qu'à
travers les siècles nous voyons surgir parmi nous un de leurs descendants imprévus. Par quel
atavisme inexpliqué les Vénitiens du xvie siècle ont-ils trouvé dans un enfant d'Alsace un conti-
nuateur? — je ne me charge pas de le dire; mais le fait est patent et c'est bien à eux qu'il faut

La Place Clichy.
Dessin de Louis Dumoulin, d'après son tableau. (Salon de 1884.)

remonter pour découvrir les véritables ancêtres de J. J. Henner. En voilà un que le mouvement
de la vie moderne n'inquiète guère et que les dogmes nouveaux n'ont pas troublé. Je ne sais pas
si M. Huysmans est jamais venu lui dire qu'il ne s'agissait plus à cette heure de peindre des
Vénus ou des nymphes quelconques, mais de nous montrer <x la vraie chair de théâtre et d'alcôve ».
Il ne s'est pas laissé convaincre, ou bien la doctrine n'a pas encore franchi le seuil de l'atelier
de la place Pigalle, bien qu'elle soit une enfant du quartier. Le suc « mordant de la vie contem-
poraine » n'a pas entamé, en tout cas, les corps de ses nymphes. Enfoncé dans son rêve
plastique, il les évoque infatigablement et, dociles à son appel, elles viennent à nous dans la
douceur du soir, offrant aux tièdes baisers de la lumière la blancheur ambrée de leurs carnations
fraîches, l'adorable plénitude de leur corps virginal.

La Nymphe qui pleure, — pourquoi pleure-t-elle ? que vous importe ! —■ est agenouillée au
pied d'un cyprès d'un brun roux, où le jour finissant pique quelques flèches dorées ; — le ciel
est d'un bleu fin de turquoise, — le corps de la nymphe s'enlève en blancheur sur cet or brun
et sur ce bleu. Voilà certes qui n'est pas nouveau ; mais aucun mot dans la langue ne saurait
exprimer cette qualité de blanc et cette qualité de bleu, ni la finesse et la douceur de l'accord de
ces trois notes et des modulations qui les relient ; c'est une volupté douce, profonde, infinie de
 
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