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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 11.1885 (Teil 1)

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Sermure, Jean: Exposition des pastellistes français
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https://doi.org/10.11588/diglit.19703#0185

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.EXPOSITION DES PASTELLISTES FRANÇAIS. i5g

Edle n'en est cependant que le petit morceau. Le gros, c'est le groupe des trente portraits
de Maurice Quentin de La Tour, qui, suivant le jugement d'un amateur de 1753, « a poussé le
pastel au point de faire craindre qu'il ne dégoûtât de la peinture ». Et de fait, quand on regarde
le panneau de la salle Petit, dont ses œuvres occupent la plus grande partie, on comprend quel
entraînement dut produire ce pastelliste qui unit toutes les séductions d'un art féminin à la
puissance et aux qualités d'un art viril. Il y a dans tous ces portraits une telle vie, une telle
intensité d'expression, qu'on ne s'étonne plus qu'il en soit résulté, dans un moment fugitif
d'exaltation irraisonnée, une sorte de dégoût éphémère pour les austérités et les rudesses de la
peinture à l'huile. On comprend les transes de l'Académie qui, pour couper court à cet engouement
momentané, prit, résolution curieuse, le parti de fermer ses portes à tous les adeptes du genre
nouveau.

On dit que ce fut l'exagération de sa nature nerveuse qui força La Tour à se jeter dans le
pastel, à cause de l'impossibilité où elle le mettait de s'assujettir aux exigences d'une autre
peinture. Cela me paraît une mauvaise raison et une fausse interprétation des motifs de sa réso-
lution. Je vois cet homme, d'après le portrait qu'il a fait de lui-même, bien plutôt surexcité par le
succès de Rosalba qui, révolutionnant la cour et la ville, tirait un énorme profit de ses mignons
portraits animés d'une vie toute particulière faite de pulpe et de transparences. Je vois La Tour
s'essayant en ce genre, y réussissant plus que dans l'autre et s'y fixant définitivement après le
recueillement de deux années qui lui fut imposé par Restout et qu'il passa à dessiner sans relâche.
Devenu maître dessinateur, il lui suffit de glisser quelques tons colorés dans ses compositions
pour pousser insensiblement au pastel. Cela fait, il s'y donna tout entier parce que son tempé-
rament impatient et agité s'accommodait mal des lenteurs de l'huile qu'il faut laisser sécher et
reprendre, ce qui est fort agaçant. Évidemment, c'est le succès qui détermina La Tour à aban-
donner tout pour cet art nouveau et le porta à s'y consacrer exclusivement.

Il avait à peine dix-huit ans que, déjà réputé pour la ressemblance de ses portraits, il
peignait l'ambassadrice d'Espagne, traversait la Manche, appelé par de grands seigneurs, et
revenait en France presque riche, déjà presque célèbre.

Il eut, malgré cette gloire précoce et un peu prématurée, la sagesse de n'exposer que treize
ans plus tard, après s'être recueilli et avoir acquis la certitude de son talent. A partir de ce
moment, on le vit reparaître périodiquement aux expositions avec le Père Fiacre, le président de
Rieux, l'ambassadeur de Turquie, Mademoiselle Sallé, l'abbé Le Blanc, M. de Mondonville, les
portraits de la famille royale presque tout entière, le peintre Silvestre, le ministre Ory, Jean-
Jacques Rousseau, etc., etc. Enfin, en 1755, son auréole s'élargit encore et il atteignit, avec le
portrait de M me de Pompadour, le sommet de la réputation et de la fortune. Tout le monde a
vu au Louvre ce grand portrait, qu'il considérait comme son chef-d'œuvre et dont il a essayé
de faire une page magistrale.

Les flatteries exagérées et ridicules paraissent avoir fait de La Tour un fat insupportable,
tenant la dragée haute aux plus grands seigneurs, ne ménageant à personne les rebuffades et
outrant l'insolence, d'autant plus qu'on forçait les adulations. La vie de La Tour fourmille
d'anecdotes connues qui sont plus ou moins à son honneur et montrent que la fierté voulue et
calculée de l'artiste fut singulièrement dominée par le désir de gagner gros et de satisfaire une
àpreté native au gain ; témoin ses aventures avec La Reynière et M. de Mondonville. Mais, en
définitive, ces côtés spéciaux du caractère du peintre nous importent peu et nous ne les relatons
que pour mémoire. La Tour apparaît à l'Exposition de la rue de Sèze comme un maître incon-
teste du genre. Nous lui devons d'avoir créé, avec la pénétration physionomique de son talent,
grâce a la hardiesse et à la sincérité de son dessin, à l'esprit de ses touches, à la verve de son
ciayon, a la délicatesse de ses transparences, à la savante distribution de ses lumières, à la
légèreté de ses frottis, grâce à son esprit investigateur enfin, comme une sorte d'évocation
magique et permanente de cette société pétillante, sceptique, adorable, du siècle dernier. Et c'est
lui seul qui nous donne la plénitude de cette impression.

Rosalba ne fournit rien de tel à notre esprit. Ses charmants portraits, ses séduisants à peu
 
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