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La chronique des arts et de la curiosité — 1874

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Nr. 12 (21 mars)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26614#0122
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LA CHRONIQUE DES ARTS

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tement ravi par les deux portraits de M. Ca-
rolus Duran. Ces deux portraits ne sont que
des têtes, mais des têtes d’une expression
étonnante, enlevées de jet avec une verve
endiablée ! M. Carolus Duran a exposé parfois
divers portraits étoffés à grandfracas quine don-
nent pas, de son talent de portraitiste, une
idée aussi heureuse que font ces deux petites
toiles.

Les études de tètes envoyées à Reims sont,
d’ailleurs, nombreuses ; quelques-unes sont
excellentes, par exemple la Petite Paysanne
des emârons de Strasbourg, par M. Henner ; le
dessin de M. Paul Dubois, Marguerite, et, en
particulier, une Tète d’enfant africain, tenant
un plateau de cuivre, en costume rouge,d’une
allure nerveuse, d’une harmonie ardente, par
M. Dehodencq. Comme ligure nue, après le
Mercure de M. Delaunay et la Pète de san
Antonio, de M. Dubouchet, on regarde avec
plaisir une jolie Liseuse, de M. Ranvier , éten-
due nonchalamment dans l’herbe fleurie d’une
campagne idéale.

Les tableaux de genre, de paysage, de na-
ture morte sont naturellement les plus nom-
breux. Si les acheteurs doivent venir, ce sera
de ce côté. En 1873, les amateurs de Reims
ont envoyé aux artistes parisiens, par l’inter-
médiaire de la Société des Beaux-Arts, plus de
cent mille francs. Il y a quelques jours, on
espérait, cette année, atteindre encore ce chif-
fre, malgré le mauvais état général des affai-
res. L’olfre correspond donc à la demande :
rien de plus juste. Ici, nous avons à saluer des
rangs entiers d’anciennes connaissances des
Salons de Paris, tels que la Jeune Fille à la
fontaine, de M. Emile Lévy; le Sommeil intei -
rompu, de M. Lambert ; la Fermière, de M. Ha-
noteau ; la Force prime le Droit, de M. Méry; la
Scala santa du couvent de Subiaco, de M. Sautai;
la Vue à San Germano, bonne toile deM..Lebel ;
le Cloarec, de M. Brunet-IIouaid, ce beau pay-
sage d’une harmonie si solennelle et d'un aspect
si religieux, ique le musée de Reims a eu le
bon esprit d'acquérir.

Mais à côté de ces amis anciens, voici venir,
en plus grosse troupe, bien des amis nouveaux.
L’activité de nos bons peintres est merveil-
leuse ; et tel qui va sans doute exposer trois
grands tableaux, trois grands dessius aux
Champs-Elysées, n’a pas négligé d’envoyer en
province de très-belles cartes de visite ! Ainsi
ont fait M. de Neuville avec ses Maisons de pê-
cheurs au Portel, étude rustique toute impré-
gnée du grand air marin ; M. Cousin de la
Fosse, qui montre un talent spirituel et lin
dans Au Dessert et Au Coin du Feu-, M. Jules
Worms, dont le Duo bouffe contient une figure
de femme très-finement enlevée. Le Foulage
du blé en Egypte, par M. Gérôme, m'a paru
un peu froid ; le Muletier déjeunant, de M. Vi-
bert, un peu sec ; ce sont d’ailleurs œuvres de
petite taille. En revanche, M. Veyrassat, qui
n’est ni froid, ni sec, a fait un petit chefM’œu-
vre dans son Retour du marché, exécution de
la bonne école, grasse, franche, chaleureuse,
de l’école deDecamps, Delacroix, Troyon, celle
à laquelle il faudra bien revenir. C’est proba-
blement l’avis de MM. Bouvin, Brandon, Bil-
let, Truplième, Couturier, qui ont, eux aussi,

envoyé de bons morceaux de peinture, solides
et réjouissants à l’œil. Le Faucheur, de M.Cou-
turier, est même une ligure des plus remar-
quables par sa franchise.

La franchise n’estpas sans doute la qualité domi-
nantede lapetite école qui frétille et papillotte,
derrièreM.Fortnng, avec des oripeaux japonais,
sur les traces lointaines de M. Meissonnier,
commenté par M. Chaplin. Mais quelques-
uns de ces habiles enlumineurs mettent bien
de la grâce et de l’esprit dans leurs trémous-
sements ! Il s’en trouve bon nombre à Reims
parmi lesquels on regrette un peu de trouver
M. Emile Lévy et M. Castres, qui japonisent
sans doute avec un plus sérieux talent que
mille autres, mais qui ont mieux à faire. S’il
y avait un prix à décerner au factice, il fau-
drait d’ailleurs l’accorder à la Sacristie au Va-
tican, de M. Bianchi; ces Italiens ont une
désinvolture, dans les arts de pure pratique,
qui les rendra toujours nos maîtres sur ce ter-
rain creux.

Combien paraissent préférables à tous ces
tripotages plus ou moins alertes de taches
multicolores, ces excellentes études,quelquefois
lourdes, mais toujours sincères, envoyées en
grande quantité par nos voisins les Belges.
D’Anvers et de Bruxelles, voire même de La
Haye et d’Amsterdam, il est débarqué, en
Champagne, toute une armée de Van, de K.,
de W... qui y ont fort bonne mine. Les succès
obtenus à Reims par la Folie de Hugues Van-
dergoes, de M. Wauters, et le Tondeur de chiens,
de M. Jean Stobbaerts, sont des succès du
meilleur aloi. Chez tous ces artistes du Nord,
il y a un fond d’études solides et de sincérité
laborieuse qui rend presque tous leurs travaux
intéressants, et presque tous s’efforcent, plus
qu’on ne fait à Paris, de peindre grassement
’ et franchement.

Dans le paysage, j’en suis bien fâché pour
ceux qui s’impatientent d’entendre toujours
Aristide surnommé le Juste, c’est toujours
MM. Corot et Duubigny qui tiennent la corde,
l’un avec sa Rivière bordée de saides, son Ma-
noir, ses Bords du Canal, études assez pous-
sées d’une poésie simple et pénétrante, l’autre
avec son Paysage au Printemps, dont la fac-
ture , abondante et riche est moins lâchée
qu’en certaines œuvres récentes. Ce sont aussi
d’excellents morceaux que les deux paysages,
dans un tout autre goût, plus mouvementé,
plus passionné, de MM. Jules Dupré et Charles
Jacque. Le Soleil couchant, signé par le pre-
mier, est le vrai paysage romantique, dans la
meilleure acception du mot ; Ja nature y par-
ticipe à toutes les .émotions humaines. Le
Village en plaine, par le second, rappelle,
pour la puissance et la tristesse de l’effet, les
esquisses les plus émues de Georges Michel.
Excellents avertissements donnés, ce nous
semble, par les vétérans de l’école â la géné-
ration nouvelle trop disposée à se complaire
dans la platitude, à prendre des taupinières
pour les Pyrénées, et un premier battement
de cœur pour l’éruption du génie !

Autour des vieux chefs se groupent, à Reims
comme à Paris, avec de bonnes toiles, dans
leur manière connue, MM. Diaz, Emile Breton,
Jules Breton, Bernier, Daliphard, de Cur-
 
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