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La chronique des arts et de la curiosité — 1874

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Nr. 31 (20 septembre)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26614#0306
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298

LA CHRONIQUE DES ARTS

C’est une des faiblesses de notre caractère. Il
faut réagir énergiquement contre elle, ce qui
n’est possible qu’en supprimant les causes qui
servent de prétextes ou d’excuses à notre
inertie.

C’est ce que nous allons tâcher de faire en
exposant sommairement les principes qui ont
guidé les fondateurs de l’Union, et en racon-
tant l’histoire des persévérants efforts qu’ils
se sont imposés pour les faire passer de la
théorie dans la pratique.

Il y a vingt-cinq ans, la France se reposait
tranquillement dans l’idée de sa supériorité
artistique sur les autres nations, et dans la
conviction, aussi commode que dangereuse,
que nul ne saurait la lui arracher. L’Exposi-
tion universelle de 1831 n’était pas faite pour
nous enlever cette douce illusion. Il ne man-
qua pas même alors de gens pour afficher
cette théorie rassurante que le goût des arts
est avant tout un don de nature, une affaire
de territoire et de climat, et que, par consé-
quent, la France n’avait rien de mieux à faire
que de persévérer dans sa quiétude.

Cependant cette théorie, accueillie très-vo-
lontiers en France, n’eut pas le même succès
chez nos voisins. Les Anglais, particulière-
ment, se prirent à réfléchir sur les raisons de
leur infériorité, et aboutirent à des conclu-
sions toutes différentes. Ce résultat n’échappa
pas, même en France , à quelques hommes
dont l’autorité en matière d’art était incon-
testée , et dont le patriotisme n’aveuglait
pas la clairvoyance. Dans le rapport de M. le
comte de Laborde sur l’Exposition de 1831, on
put lire l’avertissement suivant :

« A Londres, en 1831 , on acquit générale-
ment cette conviction que les arts étaient dé-
sormais la plus puissante machine de l’indus-
trie; en second lieu, chaque nation prit la
ferme résolution de conquérir à tout prix ce
mobile de nos succès ; en troisième lieu, elles
formèrent ce projet avec d’autant plus de con-
fiance, qu’elles se dirent que les arts, comme
les sciences, sont la propriété commune de
l’humanité, et qu’en les protégeant aussi bien
et mieux que la France, on pouvait atteindre
aussi loin qu’elle et plus loin. »

On apprit bientôt, en effet, que de grandes
associations se formaient partout en Angle-
terre, pour le développement des arts ; que
les écoles de dessin, les bibliothèques, les mu-
sées, se multipliaient de toutes parts; qu’en-
lin, les résultats de l’Exposition de 1831
avaient imprimé aux esprits une secousse
énergique, qui se manifestait par des fonda
tions de toutes natures.

Leur influence ne tarda pas à se faire sen-
tir. Dans son rapport sur l’Exposition univer-
selle de 1862, M. P. Mérimée disait :

« Depuis l’Exposition universelle de 1831 et
même depuis celle de 1833, des progrès
immenses se sont manifestés dans toute l’Eu-
rope, et, bien que nous ne soyons pas demeu-
rés stationnaires, nous ne pouvons nous dissi-
muler que l’avance que nous avions prise a
diminué, qu’eWe tend même à s’effacer. Au mi-
lieu des succès obtenus par nos fabricants,
c’est un devoir pour nous de leur rappeler
qu’une défaite est possible, qu’elle serait

même à prévoir dans un avenir peu éloigné,
si, dès à présent, ils ne faisaient pas tous leurs
efforts pour conserver une suprématie qu’on
ne garde qu’à la condition de se perfectionner
sans cesse. L’industrie anglaise, en particu-
lier, très-arriérée au point de vue de l’art lors
de l’exposition de 1831, a fait depuis dix ans
des progrès prodigieux, et, si elle continuait
à marcher du même pas, nous pourrions être
bientôt dépassés. »

Ces avertissements ne devaient pas être
perdus.

Long-temps avant cette époque, dès 1796,
Eméric David avait déjà émis l’idée de fonder
un musée industriel. L’année suivante elle
était reprise parDaunou etMayeuvre. En 1806,
en 1814, en 1829, en 1834, on fit de nouvelles
tentatives pour la réaliser, soit à Lyon, soit à
Paris. En 1843, un nouvel essai se produisit.
Une Société de l’art industriel fut fondée. Elle
échoua comme les autres, mais elle ne fut
pourtant pas inutile, puisqu’elle contribua à
donner à M. Guichard, qui en avait été secré-
taire, et à quelques-uns de ses amis, une partie
de l’expérience qui devait leur permettre de
réussir plus tard dans une tentative nouvelle.
Ils comprirent qu’il fallait préparer les esprits
en répandant autour d’eux l’idée qu’ils médi-
taient et en attendant des circonstances favo-
rables.

L’occasion fut fournie par le mouvement
que produisirent les grandes expositions de
1831, 1835 et 1862. Ils ne la laissèrent pas
échapper.

Leur programme se composait de deux
idées fondamentales : un principe de doctrine,
Yunité de l’art ; un principe d’action, l’appel à
l’initiative privée. Le but était de travailler au
développement de l’art dans toutes ses appli-
cations à l’industrie.

Il importe de nous arrêter un instant à ce
programme dont l’élévation a contribué pour
une bonne part à la grandeur et au succès
de l’œuvre.

Le principe de la division du travail, très-
fécond au point de vue de l’industrie pure,me-
naçait d’envahir le domaine de l’art lui-même.
On arrivait presque à se figurer qu’une œuvre
d’art pourrait se faire comme une montre, par
la juxtaposition de pièces dues à divers ou-
vriers, ou que du moins l’habileté de la main
pouvait remplacer tout le reste. On avait ima-
giné un art industriel qui n’avait que des rap-
ports très-éloignés avec l’art lui-même. Cet art,
ainsi compris, aurait fini par perdre tout carac-
tère personnel, et il n’était pas même absolu-
ment impossible de concevoir que la machine
pût un jour remplacer la main de l’homme.

Il importait de réagir contre cette tendance
qui était la négation même de l’art. C’est ce
que firent les hommes qui devaient bientôt
fonder Y Union cenrale : « L’art est un, a dit
M. Guichard, ses manifestations seules sont
multiples. » Rien n’est plus vrai. Mais le prin-
cipe une fois posé, il s’agissait d’en tirer les
conséquences. De ces conséquences la pre-
mière et la plus féconde, c’est que l’art est un
fait essentiellement humain, personnel, indivi-
duel ; que l’œuvre d'art porte nécessaire-
ment l’empreinte de l’intelligence qui l’a faite,
 
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